Peu
après minuit, le 2 décembre 1984, la pression et la température
montent dangereusement dans un réservoir de méthylisocyanate
(MIC) de l'Entreprise Union Carbide à Bhopal (Inde État du
Madya Pradesh). Vers une heure du matin, la structure vibre puis
explose,
laissant s'échapper une fumée blanchâtre. Au petit
matin, le nuage du terrible MIC s'est étendu sur une zone de 40
Km2 et voyage au gré des vents. Une trentaine de tonnes de
méthylisocyanate,
composé volatil, inflammable et explosif, est libérée
dans l'atmosphère provoquant l'intoxication des populations se trouvant
sous le vent. Du fait du caractère nocturne de l'accident, la majorité
des victimes sont décédées dans leur sommeil, celles
sortant au dehors pour s'enfuir s'exposaient encore plus.
Je
devais prendre contact
avec
un tour opérateur qui travaillait pour nous dans un des couloirs
délabrés du palais de la Bégum Qudsia. Savait-elle
qu'en arabe son nom signifie la sainte ou bien celle qui vient de
Jérusalem ? Je l'ai cherché longtemps dans ce vieux palais, sans être
vraiment certain de son apparence, changeante comme un Polaroïd un
peu passé, vieilli
déjà par la trop grande abondance de lumière indienne. J'ai
encore reçu un message de toi, une enveloppe volumineuse qui
m'apportait
des livres et des calendriers, avec du retard, m'écris-tu, comme
s'il avait fallu ce temps pour que tu viennes. Je suis parti
ensuite
vers les grottes rupestres et Bhopal m'a accompagné longtemps de
sa rumeur, de cette idée d'empoisonnement. Qui, des
pictogrammes ocres aurait pu imaginer toutes les tragédies à
venir ? J'entends gronder le Pakistan, j'entends l'Inde qui se cabre et
toutes les peaux se crisper sous la peur, des cris et l'oubli du
sourire
des enfants. Rabâcher
les vieux rythmes amoureux et reprendre encore les bréviaires pour
bien vérifier qu'il y aura de la souffrance. |
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