Les outils me conduisent
vers le souvenir, le
souvenir à peine
voilé, à peine dissimulé, de la crainte de la mort,
donc de la crainte du souvenir
car ces deux craintes sont liées, irrémédiablement
liées et ce qui fait craindre la mort, c'est la crainte de se souvenir
de la vie au moment de la mort. Est-ce qu'un comédien, au moment
de la mort, au moment où il doit mourir, un vieux comédien,
un comédien qui a beaucoup joué, se souvient de toutes les
morts qu'il a jouées et que sa mort, sa propre mort est alors sans
souvenir, est alors sans crainte ? Est-ce que jouer la comédie,
c'est combattre, ou sinon combattre cacher, mais dissimuler la crainte
de la mort ?
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(Gustav) Mais je ne vais
pas répéter sans fin, sans que cela finisse, sans que cela
finisse jamais, les phrases de Descartes, les Méditations métaphysiques
découpées, éparpillées au hasard d'une scène,
de cette scène ou d'une autre scène. Je ne vais pas répéter
et je peux tout aussi bien jouer sans répéter, sans jamais
répéter. Ce
que je joue, ce que je vais jouer là, je ne le répète
pas, je ne le répéterai pas.
Mathieu : ça commence.
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Puisque les outils annonçaient
la mort, la crainte de la mort, sa crainte, le texte s'impose un commencement,
une naissance, mais quand Mathieu dit que ça commence, on ne sait
pas, je ne sais pas s'il dit que ça commence parce que ça
va commencer ou s'il dit que ça commence parce que ça va
recommencer. Entre les deux
propositions, il y a un ton, il y a une intonation, et le mot intonation
est l'un des mots les plus élégants de la langue française.
Entre les deux propositions, il y a l'intimité.
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