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Gustav
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Je suis rentré dans
le soleil de novembre et j'ai
enfin rejoint la villa de Scopello, qui est en Sicile, comme en Sicile. Je suis soudain ému, comme si je me souvenais d'un des ces souvenirs qui peut faire venir les larmes
comme s'il y avait des amours mortes qui méritent tous ces mots. J'ai pitié de ces amours mortes même si je sais, avec La Rochefoucauld, que la
pitié est souvent un sentiment de nos propres maux dans les maux
d'autrui. C'est une habile prévoyance des malheurs où nous pouvons
tomber ; nous donnons du secours aux autres pour les engager à nous en
donner en de semblables occasions ; et ces services que nous leur
rendons sont à proprement parler des biens que nous nous faisons à nous-mêmes par avance.
Mais ce n'est pas un souvenir et c'est à peine de la mémoire. C'est du
temps, c'est un peu de temps, et c'est ce moment de temps qui provoque
l'émotion. Je cherchais la mémoire et j'ai trouvé à penser le temps. Mais ce n'est pas un souvenir. Pas encore. Ce que l'on nomme ainsi communément
"mémoire" évoque le temps qui passe et ne s'embarrasse pas
de savoir s'il s'agit du passé ou du futur. Et si c'était un texte, cette errance entre le temps, le souvenir et la mémoire serait devenue un
blocage éternel.
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