Diégèse




mercredi 3 décembre 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Alors Macquart cria d'une voix forte : « Venez, mes amis ! » C'était le signal. Lui se jeta vivement de côté. Et, tandis que les républicains se précipitaient, du noir de la cour sortirent un torrent de flammes, une grêle de balles, qui passèrent avec un roulement de tonnerre, sous le porche béant. La porte vomissait la mort. Les gardes nationaux, exaspérés par l'attente, pressés d'être délivrés du cauchemar qui pesait sur eux dans cette cour morne, avaient lâché leur feu tous à la fois, avec une hâte fébrile. L'éclair fut si vif, que Macquart aperçut distinctement, dans la lueur fauve de la poudre, Rougon qui cherchait à viser. Il crut voir le canon du fusil dirigé sur lui, il se rappela la rougeur de Félicité, et se sauva, en murmurant :
« Pas de bêtises ! Le coquin me tuerait. Il me doit huit cents
francs. » Cependant, un hurlement était monté dans la nuit. Les républicains surpris, criant à la trahison, avaient lâché leur feu à leur tour. Un garde national vint tomber sous le porche. Mais eux, ils laissaient trois morts. Ils prirent la fuite, se heurtant aux cadavres, affolés, répétant dans les ruelles silencieuses : « On assassine nos frères ! » d'une voix désespérée qui ne trouvait pas d'écho. Les défenseurs de l'ordre, ayant eu le temps de recharger leurs armes, se précipitèrent alors sur la place vide, comme des furieux, et envoyèrent des balles à tous les angles des rues, aux endroits où le noir d'une porte, l'ombre d'une lanterne, la saillie d'une borne, leur faisaient voir des insurgés. Ils restèrent là, dix minutes, à décharger leurs fusils dans le vide.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Ce n'était pas une bataille, c'était un assassinat. Ce qui caractérisait cet assassinat, ce n'était pas le guet-apens traître imaginé par l'alliance fétide et provisoire de Rougon et de Macquart, mais le fait que des hommes qui croyaient s'engager pour le bien commun se retrouvassent seuls, abandonnés de ceux dont ils pensaient pourtant défendre les droits. C'est en cela que la guerre civile, qu'elle soit ponctuelle ou généralisée est terrible et terriblement décevante. Les combattants, et notamment ceux qui combattent pour ce qu'ils croient être la liberté contre ce qu'ils croient être la répression, et qui l'est le plus souvent, se trouvent dans la bataille comme des soldats de la guerre étrangère qui, en défendant leur pays, trouvent dans les lignes arrières une population qui attend leurs ennemis avec impatience sinon avec bonheur. Le sentiment  n'est alors plus seulement un sentiment d'injustice, ni seulement même un sentiment de colère, mais celui d'une vengeance nécessaire qui traversera les siècles s'il le faut pour pouvoir s'assouvir. Car il n'y a rien de plus douloureux et de cruel que de voir réduites en cendre les aspirations universelles d'un peuple. Les enfants de Plassans ont gardé en mémoire la mort de leur père, de leur frère, de leur oncle. Avec le temps, leur nombre a grandi et les rues ont été jonchées de cadavres. Le sang, répandu à flots, a coulé jusque dans la Viorne qui s'est teintée de rouge comme les fleuves se teintent dans les mythes antiques de guerres qui, à la vérité, ne devaient engager que quelques hommes.Le temps qui passe a parfois l'effet d'une loupe.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014
Le guet-apens avait éclaté comme un coup de foudre dans la ville endormie. Les habitants des rues voisines, réveillés par le bruit de cette fusillade infernale, s'étaient assis sur leur séant, les dents claquant de peur. Pour rien au monde, ils n'auraient mis le nez à la fenêtre. Et, lentement, dans l'air déchiré par les coups de feu, une cloche de la cathédrale sonna le tocsin, sur un rythme si irrégulier, si étrange, qu'on eût dit un martèlement d'enclume, un retentissement de chaudron colossal battu par le bras d'un enfant en colère.
Cette
cloche hurlante, que les bourgeois ne reconnurent pas, les terrifia plus encore que les détonations des fusils, et il y en eut qui crurent entendre les bruits d'une file interminable de canons roulant sur le pavé. Ils se recouchèrent, ils s'allongèrent sous leurs couvertures, comme s'ils eussent couru quelque danger à se tenir sur leur séant, au fond des alcôves, dans les chambres closes ; le drap au menton, la respiration coupée, ils se firent tout petits, tandis que les cornes de leurs foulards leur tombaient dans les yeux, et que leurs épouses, à leur côté, enfonçaient la tête dans l'oreiller en se pâmant.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Avec les cloches, l'homme a inventé un mode de communication qui lui ressemble et qui est diablement efficace. En y réfléchissant, c'est assez incroyable de considérer le nombre de messages que l'on peut faire passer par une cloche et un clocher. Nos anciens avaient inventé avant l'heure le télégraphe, à moins que ce ne soient les inventeurs du télégraphe qui se soient inspirés des cloches. Ainsi, un sonneur, même inexpérimenté peut à l'envi sonner le glas ou le tocsin et battre à toutes volées la joie de Pâques, d'un mariage ou d'un baptême. Dans les villes et dans les campagnes, les cloches rythment les activités de tous et les histoires ne manquent pas de villages entièrement déréglés parce que le sonneur s'était assoupi après avoir abusé de liqueurs. Mais, quel que soit le message qu'elle transporte, la cloche porte un son familier qui fait même que les habitués qui dorment à côté des églises, n'entendent plus les cloches et ne se se réveillent plus à leur premier battement. Mais, à cette occasion précise, la cloche de la cathédrale avait pris un son très inhabituel et parfaitement curieux qui eut pour conséquence immédiate de réveiller à l'instant toute la ville et de la mettre en alerte.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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