Diégèse




dimanche 14 décembre 2014



2014
ce travail est commencé depuis 5462 jours (2 x 2731 jours) et son auteur est en vie depuis 19915 jours (5 x 7 x 569 jours)
ce qui représente 27,4466% de la vie de l'auteur deux mille huit cent quarante-cinq semaines de vie
hier



L'atelier du texte demain
La Fortune des Rougon2




VII








Ce fut seulement le dimanche, le surlendemain de la tuerie de Sainte-Roure, que les troupes repassèrent par Plassans.
Le
préfet et le colonel que M. Garçonnet avait invités à dîner, entrèrent seuls dans la ville. Les soldats firent le tour des remparts et allèrent camper dans le faubourg, sur la route de Nice. La nuit tombait ; le ciel, couvert depuis le matin, avait d'étranges reflets jaunes qui éclairaient la ville d'une clarté louche, pareille à ces lueurs cuivrées des temps d'orage. L'accueil des habitants fut peureux ; ces soldats, encore saignants, qui passaient, las et muets, dans le crépuscule sale, dégoûtèrent les petits bourgeois propres du Cours, et ces messieurs, en se reculant, se racontaient à l'oreille d'épouvantables histoires de fusillades, de représailles farouches, dont le pays a conservé la mémoire. La terreur du coup d'État commençait, terreur éperdue, écrasante, qui tint le Midi frissonnant pendant de longs mois. Plassans, dans son effroi et sa haine des insurgés, avait pu accueillir la troupe, à son premier passage, avec des cris d'enthousiasme ; mais, à cette heure, devant ce régiment sombre, qui tirait sur un mot de son chef, les rentiers eux-mêmes et jusqu'aux notaires de la ville neuve, s'interrogeaient avec anxiété, se demandaient s'ils n'avaient pas commis quelques peccadilles politiques méritant des coups de fusil.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
C'est ainsi que la peur se propage chez un peuple comme un feu se propage dans un champ d'herbes sèches, et l'incendiaire affolé se voit menacé tout autant que son voisin qu'il voulait effrayer. Car, c'est une des particularités de tous les partis qui prônent d'abord l'ordre, que de s'en prendre vite aux libertés, et ceux qui conduisent ces partis au pouvoir se trouvent entravés tout autant, et sans beaucoup attendre, que ceux qu'ils avaient combattus. On devrait enseigner dans les écoles que l'ordre n'est pas un préalable mais une conséquence, et les philosophes n'ont jamais rien dit d'autre que cela. Mais, au lieu de cela, on enseigne l'ordre à coups de punitions et de règles de fer et l'on fait croire aux enfants, dès leur plus jeune âge, qu'ils sont incapables de se ranger, de travailler, de demeurer calmes, sans qu'on braille sur leur tête. Il en va de même ensuite dans le travail, où le patron se croit dans l'obligation d'imposer des contraintes aux contraintes, comme si le fait d'être salariés n'était pas pour les ouvriers une contrainte suffisante. Ainsi, ces petits bourgeois qui avaient dédaigné la République et qui, pour certains, l'avaient combattu, découvraient que sous la mante de l'ordre se cachait une bête féroce qui n'avait pas fini de les assujettir. Alors, face à la troupe qui n'avait cependant d'autre espoir que de rentrer dans ses cantonnements, ils courbaient l'échine, retournant prestement chez eux.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










14 décembre






2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000






2013 2012 2011 2010