Certains
visages portent ainsi tous les âges et l'on peut
distinguer une vieillesse décharnée chez celui-là qui n'a pas vingt
ans, un embonpoint assuré chez tel autre qui paraît maigre. Ce joli
visage, sinon cette frimousse, va devenir ce visage alourdi par des
chairs épaisses, quand celui-là, qui paraît grossier et presque
disgracieux, va prendre avec l'âge une force séduisante. Car un visage
est animé. Et c'est pourquoi tous les morts ont presque le même visage,
sauf quand ils sont soumis au talent du croque-mort qui saura leur
donner presque toute l'apparence de la vie.
Les jeunes muscles de son corps tendaient à ses mouvements la toile de
ses vêtements épaissis par l'hiver, laissant deviner plus que dévoilant
une musculature fine et nerveuse qui, nu, devait le laisser ressembler
à l'écorché des salles de classe. Tout était dessiné à l'extrême chez
ce jeune homme et, dès lors, son immobilité faisait figure d'affut pour
une proie absente mais qui pouvait surgir. Ce corps aurait alors bondi
comme le font les chats et nulle crainte que la proie aurait succombé à
la jeune force animale de l'ombre immobilisée dans le faisceau de la
lune montante.
Sa bouche
seule, ourlée d'un duvet malhabile, pouvait trahir la tendresse. |
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Daniel Diégèse
2014
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