Diégèse | vendredi 17 janvier 2014 | ||
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2014 | |
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La Fortune des Rougon2 |
Lorsque la demie sonna à l'horloge voisine, il fut tiré en
sursaut de sa rêverie. En se voyant blanc de lumière, il regarda devant lui
avec inquiétude. D'un mouvement brusque, il rentra dans le noir, mais il ne put
retrouver le fil de sa rêverie. Il sentit alors que ses pieds et ses mains se
glaçaient, et l'impatience le reprit. Il monta de nouveau jeter un coup d'œil
dans le Jas-Meiffren, toujours silencieux et vide. Puis, ne sachant plus comment tuer le temps, il redescendit, prit son fusil dans le tas de planches où il l'avait caché et s'amusa à en faire jouer la batterie. Cette arme était une longue et lourde carabine qui avait sans doute appartenu à quelque contrebandier ; à l'épaisseur de la crosse et à la culasse puissante du canon, on reconnaissait un ancien fusil à pierre qu'un armurier du pays avait transformé en fusil à piston. On voit de ces carabines-là accrochées dans les fermes, au-dessus des cheminées. Le jeune homme caressait son arme avec amour ; il rabattit le chien à plus de vingt reprises, introduisit son petit doigt dans le canon, examina attentivement la crosse. Peu à peu, il s'anima d'un jeune enthousiasme auquel se mêlait quelque enfantillage. Il finit par mettre la carabine en joue, visant dans le vide comme un conscrit qui fait l'exercice. |
Émile Zola 1870
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Il dessina ainsi une bataille qui le mettait en scène seul, lui, contre tous les autres, ses ennemis indistincts,
hors du rayon de lune. Ce n'étaient pas les morts du cimetière
Saint-Mittre qu'ils visait, mais des figures imaginaires, surgies de
l'avenir, et de son propre avenir comme de l'avenir des peuples, et
qu'il s'agissait bien de tenir en respect ou d'abattre dans la joie
grave de la révolte. Et les anciens morts du cimetière, ces morts
d'autres batailles oubliées, regardaient la pantomime avec curiosité et
parfois même du respect. Certains avaient connu des scènes qui
s'approchaient du jeu de ce jeune homme, des fusillades, des coups de
main et même quelques barricades. Les femmes, elles, s'effrayaient du
bruit du chien sur l'amorce de la cheminée du fusil , qui ne leur
disait rien de bon et elles prévoyaient pleurs et malheurs renouvelés. Cependant, son exercice improvisé et mimé avait éveillé les sangs du jeune homme. Ses mains et ses joues s'étaient rougis, si bien qu'il apparaissait moins blanc dans le rayon de lune joueur, et même bien vivant, à rendre jaloux les fantômes qui l'avoisinaient. Alors il recommença son jeu un instant, et tenta de retrouver l'impression de puissance qu'il avait ressentie un court instant. Mais l'esprit du jeu avait fui. |
Daniel Diégèse 2014
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