Diégèse




lundi 23 juin 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




La veille du jour où il arrêta Eugène sur le cours Sauvaire, il avait publié, dans l'Indépendant, un article terrible sur les menées du clergé, en réponse à un entrefilet de Vuillet, qui accusait les républicains de vouloir démolir les églises. Vuillet était la bête noire d'Aristide. Il ne se passait pas de semaine sans que les deux journalistes échangeassent les plus grossières injures. En province, où l'on cultive encore la périphrase, la polémique met le catéchisme poissard en beau langage : Aristide appelait son adversaire « frère Judas », ou encore « serviteur de saint Antoine », et Vuillet répondait galamment en traitant le républicain de « monstre gorgé de sang dont la guillotine était l'ignoble pourvoyeuse ».
Pour sonder son frère,
Aristide, qui n'osait paraître inquiet ouvertement, se contenta de lui demander :
– « As-tu lu mon article d'hier ? Qu'en penses-tu ? »
Eugène eut un léger mouvement d'épaules.
« Vous êtes un niais, mon frère, répondit-il simplement.
– Alors, s'écria le journaliste en pâlissant, tu donnes raison à
Vuillet, tu crois au triomphe de Vuillet.
– Moi !…
Vuillet… » Il allait certainement ajouter : « Vuillet est un niais comme toi. » Mais en apercevant la face grimaçante de son frère qui se tendait anxieusement vers lui, il parut pris d'une subite défiance.
«
 Vuillet a du bon », dit-il avec tranquillité.
En quittant son frère
, Aristide se sentit encore plus perplexe qu'auparavant. Eugène avait dû se moquer de lui, car Vuillet était bien le plus sale personnage qu'on pût imaginer. Il se promit d'être prudent, de ne pas se lier davantage, de façon à avoir les mains libres s'il lui fallait un jour aider un parti à étrangler la République.

La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Tous ces personnages peu recommandables avaient en commun de considérer la République comme un régime instable, une sorte d'émulsion politique qui, après avoir mélangé un temps les classes et les intérêts et prôné des valeurs de partage et de justice, remettrait chaque ingrédient à sa place naturelle. Les huiles et les marchands d'huiles, aussi visqueux soient-ils, allaient retrouver les hauteurs quand le peuple accoutumé aux trahisons et aux promesses resterait au fond du récipient. L'exercice politique consistait donc à être parmi les plus rapides dans le mouvement ascensionnel. En cela, les tacticiens de province se rappelaient les bienfaits de Napoléon le Grand qui pour la première fois leur avait avait fait comprendre ce que pouvait signifier l'ordre et la remise en ordre. Pour autant, ils lui reprochaient ouvertement ou silencieusement d'avoir décimé les campagnes en prélevant tant de jeunes gens pour la guerre étrangère. Les campagnes incessantes avaient prélevé tant de jeunes hommes que l'on manquait encore de bras pour cultiver les terres ou pour faire fonctionner les ateliers.
Le pire de tout cela était que le départ des hommes avait donné aux femmes des idées d'émancipation qui ne valaient rien de bon. Appelées à la rescousse et prouvant par les actes qu'elles valaient au travail autant qu'un homme sinon davantage, elles ne voulaient pas faire les frais d'une remise à l'ordre qui serait à l'évidence pour elles une remise au pas. Cette révolution de 1848 avait fait naître des revendications jusqu'alors jamais vues ni entendues. L'une de ces amazones ne demandait-elle pas le droit au divorce ?
Eugène avait connaissance de ces quelque six-cent femmes du peuple parisien qui avaient été emprisonnées à la prison Saint-Lazare en juillet 1848 pour avoir participé à l'insurrection et aux barricades. La volonté de maintenir les femmes à l'écart de la vie publique était bien parmi les motifs premiers de la réaction.

Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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