Diégèse




dimanche 29 juin 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




La lampe éteinte, Félicité ne put dormir. Les yeux fermés, elle faisait de merveilleux châteaux en Espagne. Les vingt mille francs de rente dansaient devant elle, dans l'ombre, une danse diabolique. Elle habitait un bel appartement de la ville neuve, avait le luxe de M. Peirotte, donnait des soirées, éclaboussait de sa fortune la ville entière. Ce qui chatouillait le plus ses vanités, c'était la belle position que son mari occuperait alors. Ce serait lui qui paierait leurs rentes à Granoux, à Roudier, à tous ces bourgeois qui venaient aujourd'hui chez elle comme on va dans un café, pour parler haut et savoir les nouvelles du jour. Elle s'était parfaitement aperçue de la façon cavalière dont ces gens entraient dans son salon, ce qui les lui avait fait prendre en grippe. Le marquis lui-même, avec sa politesse ironique, commençait à lui déplaire. Aussi, triompher seuls, garder tout le gâteau, suivant son expression, était une vengeance qu'elle caressait amoureusement. Plus tard, quand ces grossiers personnages se présenteraient le chapeau bas chez M. le receveur Rougon, elle les écraserait à son tour. Toute la nuit elle remua ces pensées. Le lendemain, en ouvrant ses persiennes, son premier regard se porta instinctivement de l'autre côté de la rue, sur les fenêtres de M. Peirotte ; elle sourit en contemplant les larges rideaux de damas qui pendaient derrière les vitres.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
La rancœur est un feu qui couve, ou encore l'une de ces maladies qui sommeille des années mais qui mène dans le corps un lent travail de sape qui fera qu'une fois découverte aucun médecin ne pourra plus la déloger du corps qu'elle aura envahi. Et c'était bien la rancœur qui animait entièrement Félicité, encore davantage que son lourdaud de mari. Il n'y avait pas une seule des moues de ses invités lorsqu'ils s'asseyaient dans le salon jaune qui lui échappait. Il n'y avait pas une seule intonation un tant soit peu condescendante qu'elle n'ait entendue et comprise, analysée, et rangée soigneusement dans un coin de sa mémoire. Il n'y avait donc pas un seul de ces rentiers infatués qui ne fût son ennemi juré, mais secret. C'est aussi qu'il y avait une très grande différence entre Félicité et les rentiers conspirateurs et royalistes du salon jaune. Eux étaient conservateurs. Elle ne pouvait se permettre de l'être. Que l'ordre ancien de la monarchie légitimiste survienne de nouveau et elle demeurerait ce qu'elle avait toujours été : la femme et la fille d'anciens marchands d'huile qui avaient échoué à faire prospérer leurs affaires. Il lui fallait donc un grand chambardement, mais un chambardement qui ne s'embarrassât pas de ces fadaises que l'on nomme habituellement liberté, égalité et fraternité et qui conduisent à devoir partager un bien qu'elle voulait seulement accroître et garder pour elle.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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