Diégèse
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vendredi 14 août
2015 |
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2015 |
ce
travail est commencé
depuis 5705
jours (5 x 7 x 163 jours) |
et
son auteur est en vie
depuis 20158 jours
(2 x 10079 jours) |
ce
qui représente 28,3014% de la vie de l'auteur |
huit
cent quinze semaines d'écriture |
hier |
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Adélaïde
avait alors
près de soixante-quinze ans. Vieillie dans une existence monacale, elle
s'était roidie et figée, au fond de sa masure. |
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Elle
avait demandé l'enfant,
terrifiée par la pensée de mourir seule. Ce bambin qui tournait autour
d'elle la rassurait contre la mort. |
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Sans
sortir de son mutisme, elle se prit pour lui d'une tendresse ineffable.
Roide, muette, elle le regardait jouer pendant des heures. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Oum
Kemal avait alors près
de soixante-quinze ans. Vieillie dans une
existence monacale, elle n'était plus la maigre et ardente fille qui
courait jadis se jeter au cou du contrebandier Abou Marwan. Elle
s'était
roidie et figée, au fond de sa masure de la porte du sud, ce
trou silencieux et morne où elle vivait absolument seule, et dont elle
ne sortait pas une fois par mois, se nourrissant de pommes de terre et
de légumes secs. On eût dit, à la voir passer, une de ces vieilles
religieuses, aux blancheurs molles, à la démarche automatique, que le
cloître a désintéressées de ce monde. Sa face blême, toujours
correctement encadrée d'un foulard blanc, était comme une
face de
mourante, un masque vague, apaisé, d'une indifférence suprême.
L'habitude d'un long silence l'avait rendue muette ; l'ombre de sa
demeure, la vue continuelle des mêmes objets avaient éteint ses regards
et donné à ses yeux une limpidité d'eau de source.
C'était un renoncement absolu, une lente mort physique et morale, qui
avait fait peu à peu de l'amoureuse détraquée, une matrone grave. Quand
ses yeux se fixaient, machinalement, regardant sans voir, on apercevait
par ces trous clairs et profonds un grand vide intérieur. Rien ne
restait de ses anciennes ardeurs voluptueuses qu'un amollissement des
chairs, un tremblement sénile des mains. Elle avait aimé avec une
brutalité de louve, et de son pauvre être usé, assez décomposé déjà
pour le cercueil, ne s'exhalait plus qu'une senteur fade de feuille
sèche. Étrange travail des nerfs, des âpres désirs qui s'étaient rongés
eux-mêmes, dans une impérieuse et involontaire chasteté. Ses besoins
d'amour, après la mort d'Abou Marwan, cet homme nécessaire à sa
vie,
avaient brûlé en elle, la dévorant comme une fille cloîtrée, et sans
qu'elle songeât un instant à les contenter. Une vie de honte l'aurait
laissée peut-être moins lasse, moins hébétée, que cet inassouvissement
achevant de se satisfaire par des ravages lents et secrets, qui
modifiaient son organisme. |
Parfois
encore, dans cette morte, dans cette vieille femme blême qui
paraissait n'avoir plus une goutte de sang, des crises nerveuses
passaient, comme des courants électriques, qui la galvanisaient et lui
rendaient pour une heure une vie atroce d'intensité. Elle demeurait sur
son lit, rigide, les yeux ouverts ; puis des hoquets la prenaient,
et
elle se débattait ; elle avait la force effrayante de ces folles
hystériques, qu'on est obligé d'attacher, pour qu'elles ne se brisent
pas la tête contre les murs. Ce retour à ses anciennes ardeurs, ces
brusques attaques, secouaient d'une façon navrante son pauvre corps
endolori. C'était comme toute sa jeunesse de passion chaude qui
éclatait honteusement dans ses froideurs de sexagénaire. Quand elle se
relevait, stupide, elle chancelait, elle reparaissait si effarée, que
les femmes de la porte du sud disaient :
« Elle a fumé, la
vieille
folle ! »
Le sourire enfantin du petit Selim fut pour elle un dernier
rayon
pâle qui rendit quelque chaleur à ses membres glacés. Elle avait
demandé l'enfant, lasse de solitude, terrifiée par la pensée de mourir
seule, dans une crise. Ce bambin qui tournait autour d'elle la
rassurait contre la mort. |
Sans
sortir de son mutisme, sans assouplir ses mouvements automatiques,
elle se prit pour lui d'une tendresse ineffable.
Roide, muette, elle le regardait jouer pendant des heures, écoutant
avec ravissement le tapage intolérable dont il emplissait la vieille
masure. Cette tombe était toute vibrante de bruit, depuis que Selim
la parcourait à califourchon sur un manche à balai, se cognant dans les
portes, pleurant et criant. Il ramenait Oum Kemal sur cette
terre ;
elle
s'occupait de lui avec des maladresses adorables ; elle qui avait
dans
sa jeunesse oublié d'être mère pour être amante, éprouvait les voluptés
divines d'une nouvelle accouchée, à le débarbouiller, à l'habiller, à
veiller sans cesse sur sa frêle existence. Ce fut un réveil d'amour,
une dernière passion adoucie que le ciel accordait à cette femme toute
dévastée par le besoin d'aimer. Touchante agonie de ce cœur qui avait
vécu dans les désirs les plus âpres et qui se mourait dans l'affection
d'un enfant.
Elle était trop morte déjà pour avoir les effusions bavardes des
grand-mères bonnes et grasses ; elle adorait l'orphelin
secrètement,
avec des pudeurs de jeune fille, sans pouvoir trouver des caresses.
Parfois, elle le prenait sur ses genoux, elle le regardait longuement
de ses yeux pâles.
Lorsque le petit, effrayé par ce visage blanc et muet, se mettait à
sangloter, elle paraissait confuse de ce qu'elle venait de faire, elle
le remettait vite sur le sol sans l'embrasser.
Peut-être lui trouvait-elle une lointaine ressemblance avec son
grand-père. |
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14 août |
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