Devant
eux, la route d'Idlib continuait tout droit, comme sans fin, et rien ne
venait gêner la vue. En se
retournant,
ils aperçurent l'autre bout de la route, celui qu'ils venaient de
parcourir et
qui va en ligne droite d'Alep à Khan al-Assal et au-delà. Sous ce beau
clair de
lune de printemps, on eût dit un long ruban d'argent que les pins
bordaient de
deux lisérés sombres. À droite et à gauche, les pins d'Alep, vestiges
de leur propre appellation,
faisaient de larges mers grises et vagues, coupées par ce ruban, par
cette
route blanche et gelée, d'un éclat métallique. Tout en haut brillaient,
au ras
de l'horizon, pareils à des étincelles vives, quelques panneaux
publicitaires de l'autoroute proche et quelques lampes des premières
maisons
encore allumées. Maya et Selim, pas à pas, s'étaient éloignés de près
de sept kilomètres. Ils jetèrent un regard sur le chemin parcouru,
frappés
d'une
muette admiration par cette grande ville fauve qu'ils avaient quittée
mais qu'ils savaient si proche et qui semblait se dissimuler derrière
le bois d'Alep pourtant dérisoire. Ce décor étrange, cette relégation
soudaine et provisoire leur laissait éprouver le silence de mort de la
campagne endormie. Rien n'était
plus angoissant et prenant tout à la fois.
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