Diégèse
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lundi 7
septembre 2015 |
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2015 |
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travail est commencé
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L'atelier du texte |
demain |
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#ZOLA - #FortunedesRougon |
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Le
puits était un puits mitoyen. Le mur du Jas-Meiffren le coupait en
deux. C'était Silvère qui tirait pour tante Dide l'eau nécessaire.
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Un jour, la
poulie se
fendit. Le jeune charron tailla lui même une belle et forte poulie de
chêne qu'il posa le soir, après sa journée. |
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L'outil tomba
du côté du
Jas-Meiffren. Silvère le regarda, se penchant, hésitant à descendre. La
paysanne vint ramasser le ciseau à froid. |
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Ils se
regardaient d'un
air confus et souriant. Elle levait vers lui une adorable tête, des
yeux noirs qui l'étonnaient et le remuaient. |
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Jamais il
n'avait vu une
fille de si près. Il se pencha davantage, et put enfin saisir le
ciseau. La paysanne commençait à être embarrassée. |
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Puis ils
restèrent là, à
se sourire encore, l'enfant en bas, la face toujours levée, le jeune
garçon à demi couché sur le chaperon du mur. |
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Le soir,
Silvère essaya
de questionner tante Dide. Mais le mur était, pour elle, comme un
rempart infranchissable, qui murait son passé. |
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Dès qu'il fut
arrivé chez
son patron, il fit causer ses camarades. Ils lui racontèrent l'histoire
du braconnier et de sa fille Miette. |
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Alep 2011 - Décalque |
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en continu |
Le
puits qui se trouvait dans la cour de la maison habitée par khale
Didi
et Selim était
un puits mitoyen. Le mur de la ferme des Idelbi le
coupait en deux. Anciennement, avant que l'enclos des Chaabi fut réuni
à la grande propriété voisine, les paysans se servaient
journellement de ce puits. Mais depuis l'achat du terrain, comme il
était éloigné des communs, les habitants de la ferme, qui avaient à
leur
disposition de vastes réservoirs, n'y puisaient pas un seau d'eau dans
un mois. De l'autre côté, au contraire, chaque matin, on entendait
grincer la poulie ; c'était Selim qui tirait pour
khale Didi l'eau
nécessaire au ménage. |
Un
jour, la poulie se fendit. Le jeune ouvrier forgea lui même une
belle et forte poulie de métal qu'il posa le soir,
après sa journée. Il
lui fallut monter sur le mur. Quand il eut fini son travail, il resta à
califourchon sur le chaperon du mur, se reposant, regardant
curieusement la large étendue de la ferme. Une paysanne qui
arrachait les mauvaises herbes à quelques pas de lui finit par fixer
son attention. On était en juillet, l'air brûlait, bien que le soleil
fût déjà au bord de l'horizon. La paysanne avait gardé son hijab. En corsage blanc, un châle de couleur noué sur
les épaules, les manches retroussées jusqu'aux coudes, elle était
accroupie dans les
plis de son vêtement de cotonnade bleue.
Elle marchait sur les genoux, arrachant
activement l'ivraie qu'elle jetait dans un couffin. Le jeune homme ne
voyait d'elle que ses bras nus, brûlés par le soleil, s'allongeant à
droite, à gauche, pour saisir quelque herbe oubliée. Il suivait
complaisamment ce jeu rapide des bras de la paysanne, goûtant un
singulier plaisir à les voir si fermes et si prompts. Elle s'était
légèrement redressée en ne l'entendant plus travailler, et avait baissé
de nouveau la tête, avant qu'il eût pu même distinguer ses traits. Ce
mouvement effarouché le retint. Il se questionnait sur cette femme, en
garçon curieux, sifflant machinalement et battant la mesure avec un
ciseau à froid qu'il tenait à la main, lorsque le ciseau lui échappa.
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L'outil
tomba du côté de la ferme, sur la margelle du
puits, et
alla rebondir à quelques pas de la muraille. Selim le regarda, se
penchant, hésitant à descendre. Mais il paraît que la paysanne
examinait le jeune homme du coin de l'œil, car elle se leva sans mot
dire, et vint ramasser le ciseau à froid qu'elle tendit à Selim.
Alors ce dernier vit que la paysanne était une enfant. Il resta surpris
et un peu intimidé. |
Dans
les clartés rouges du couchant, la jeune fille se haussait vers
lui. Le mur, à cet endroit, était bas, mais la hauteur se trouvait
encore trop grande. Selim se coucha sur le
chaperon, la petite
paysanne se dressa sur la pointe des pieds.
Ils ne disaient rien, ils se regardaient d'un air confus et souriant.
Le jeune homme eût d'ailleurs voulu prolonger l'attitude de l'enfant.
Elle levait vers lui une adorable tête, de grands yeux noirs, une
bouche rouge, qui l'étonnaient et le remuaient singulièrement.
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Jamais
il n'avait vu une fille de si près ; il ignorait qu'une bouche et des
yeux pussent être si plaisants à regarder. Tout lui paraissait avoir un
charme inconnu, le châle de couleur, le corsage blanc, le
vêtement de
cotonnade bleue tendu par le mouvement
des épaules. Son regard glissa le long du bras qui lui présentait
l'outil ; jusqu'au coude, le bras était d'un brun doré, comme vêtu de
hâle ; mais plus loin, dans l'ombre de la manche de chemise retroussée,
Selim apercevait
une rondeur nue, d'une blancheur de lait. Il se
troubla, se pencha davantage, et put enfin saisir le ciseau. La petite
paysanne commençait à être embarrassée. |
Puis
ils restèrent là, à se
sourire encore, l'enfant en bas, la face toujours levée, le jeune
garçon à demi couché sur le chaperon du mur. Ils ne savaient comment se
séparer. Ils n'avaient pas échangé une parole. Selim oubliait même de
dire merci.
« Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il.
– Kurdi, répondit
la paysanne ; mais tout le monde m'appelle Maya. »
Elle se haussa légèrement, et, de sa voix nette :
« Et toi ? demanda-t-elle à son tour.
– Moi, je m'appelle Selim », répondit le jeune
ouvrier.
Il y eut un silence, pendant lequel ils parurent écouter complaisamment
la musique de leurs noms.
« Moi, j'ai quinze ans, reprit Selim. Et toi ! ?
– Moi, dit Maya,
j'aurai quatorze
ans bientôt. » Le jeune ouvrier
fit un geste de surprise.
« Ah ! bien, dit-il en riant, moi qui t'avais prise pour une femme !…
Tu as de gros bras. » Elle se mit à rire, elle aussi, en baissant les
yeux sur ses bras. Puis ils ne se dirent plus rien. Ils demeurèrent
encore un bon moment, à se regarder et à se sourire. Comme Selim
semblait n'avoir plus de questions à lui adresser, Maya s'en alla
tout simplement et se remit à arracher les mauvaises herbes, sans lever
la tête. Lui, resta un instant sur le mur. Le soleil se couchait ; une
nappe de rayons obliques coulait sur les terres jaunes des Idelbi ; les terres
flambaient, on eût dit un incendie courant au ras du sol.
Et, dans cette nappe flambante, Selim regardait la petite
paysanne
accroupie et dont les bras nus avaient repris leur jeu rapide ; le
vêtement de
cotonnade bleue blanchissait, des lueurs couraient le long des bras
cuivrés. Il finit par éprouver une sorte de honte à rester là. Il
descendit du mur. |
Le
soir, Selim,
préoccupé de son aventure, essaya de questionner khale
Didi. Peut-être
saurait-elle qui était cette Maya qui avait des
yeux si noirs et une bouche si rouge. Mais, depuis qu'elle habitait la
maison de l'impasse, khale Didi n'avait plus jeté un
seul coup d'œil derrière le mur de la petite cour.
C'était, pour elle, comme un rempart infranchissable, qui murait son
passé. Elle ignorait, elle voulait ignorer ce qu'il y avait maintenant
de l'autre côté de cette muraille, dans cet ancien enclos des
Chaabi, où elle
avait enterré son amour, son cœur et sa chair. Aux premières
questions de Selim, elle le regarda
avec un effroi d'enfant.
Allait-il donc lui aussi remuer les cendres de ces jours éteints et la
faire pleurer comme son fils Marwan ?
« Je ne sais, dit-elle d'une voix rapide, je ne sors plus, je ne vois
personne… » |
Selim attendit le
lendemain avec quelque impatience.
Dès qu'il fut arrivé chez son patron, il fit causer ses camarades
d'atelier. Il ne raconta pas son entrevue avec Maya ; il parla
vaguement d'une fille qu'il avait aperçue de loin, dans la ferme.
« Eh ! c'est la fille Kurdi ! » cria un des
ouvriers.
Et, sans que Selim eût besoin de les
interroger, ses camarades lui
racontèrent l'histoire du contrebandier Kurdi et de sa fille
Maya,
avec cette haine aveugle des foules contre les parias. Ils traitèrent
surtout cette dernière d'une sale façon ; et toujours l'insulte de
fille de prisonnier leur venait aux
lèvres, comme une raison sans
réplique qui condamnait la chère innocente à une éternelle honte.
Le garagiste Kader, un brave et digne
homme, finit par leur imposer
silence.
« Eh ! taisez-vous, mauvaises langues ! dit-il en lâchant
une aile de
voiture qu'il
examinait. N'avez-vous pas honte de vous acharner
après une enfant ? Je l'ai vue, moi, cette petite. Elle a un air très
honnête. Puis on m'a dit qu'elle ne boudait pas devant le travail et
qu'elle faisait déjà la besogne d'une femme de trente ans. Il y a ici
des fainéants qui ne la valent pas. Je lui souhaite pour plus tard un
bon mari qui fasse taire les méchants propos. » Selim, que les
plaisanteries et les injures grossières des ouvriers avaient glacé,
sentit les larmes lui monter aux yeux, à cette dernière parole de
Kader.
D'ailleurs, il n'ouvrit pas les lèvres. Il reprit son maillet, qu'il
avait posé auprès de lui, et se mit à taper de toutes ses forces sur
une carrosserie défoncée qu'il redressait. |
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