Diégèse




dimanche 21 août 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Un de ses arguments favoris, celui qu'il me servait toujours, était qu'Israël étant de tous les peuples celui qui croyait le moins en Dieu, c'était évidemment celui qu'il serait le plus facile de débarrasser des anciennes superstitions ; et ainsi ce serait celui qui montrerait la route aux autres. L'excellence des Juifs était selon lui, venait de ce qu'ils étaient comme d'avance les plus libres penseurs. même avec un trait d'union. Et là-dessous, et là-dedans un cœur qui battait à tous les échos du monde, un homme qui sautait sur un journal et qui sur les quatre pages, sur les six, huit, sur les douze pages d'un seul regard comme la foudre saisissait une ligne et dans cette ligne il y avait le mot Juif, un être qui rougissait, palissait, un vieux journaliste, un routier du journal(isme) qui blêmissait sur un écho qu'il trouvait dans 21nal, sur un morceau d'article, sur un filet, sur une dépêche, et dans cet écho, dans ce journal, dans ce morceau d'article, dans ce filet, dans cette dépêche il y avait le mot Juif ; un cœur qui saignait dans tous les ghettos du monde, et peut-être encore plus dans les ghettos rompus, dans les ghettos diffus, comme Paris, que dans les ghettos conclus, dans les ghettos forclus ; un cœur qui saignait en Roumanie et en Turquie, en Russie et en Algérie, en Amérique et en Hongrie partout où le Juif est persécuté, c'est-à-dire, en un certain sens, partout ; un cœur qui saignait en Orient et en Occident, dans l'Islam et en Chrétienté ; un cœur qui saignait en Judée même, et un homme en même temps qui plaisantait les Sionistes ; ainsi est le juif ; un tremblement de colère, et c'était pour quelque injure subie dans la vallée du Dniepr. Aussi ce que nos Puissances ne voulaient pas savoir, qu'il fût le prophète, le juif, le chef, – le dernier colporteur juif le savait, le voyait, le plus misérable juif de Roumanie. Un tremblement, une vibration perpétuelle.
Il faut considérer cette affaire du « burkini » comme un nouveau symptôme du syndrome de « double anomie anosognosique » dont la France est affectée. Rappelons qu'il s'agit de cette maladie définie par l'auteur de ces lignes comme une double incapacité à trouver les mots pour décrire ce qui se passe, sans pour autant avoir conscience de la gravité de l'état du malade. On peut donc tenter de soigner le corps social français malade en essayant, de façon brutale de lui dire ce dont il souffre en espérant que cela provoquera un choc de conscience salutaire.
Racisme.
Ces interdictions à répétitions sont le symptôme du racisme anti-arabe de la partie de la société française qui a accès à la décision publique : les élu-e-s. Le « burkini » rejoint la nourriture halal, le ramadan et les mosquées, comme signes faciles à identifier et à stigmatiser car relevant de la pratique d'une religion. Mais que l'on ne s'y trompe pas, derrière cela, c'est toujours « le bruit et l'odeur ». La manipulation de l'opinion publique est flagrante et la tactique en est éprouvée. Vous prenez un fait ou un ensemble de faits qui suscitent unanimement ou presque la réprobation : ici, les attentats. Pour dissimuler l'amalgame fantasmatique entre ce fait et une partie de la population, vous prenez un élément mineur que vous montez en épingle artificiellement : ici le « burkini ». Vous laissez le corps social s'agiter quelques jours. Même des personnalités réputées de bonne volonté vont tomber dans le piège, soulagées de pouvoir pour une fois sans honte se pincer le nez. « Car, vraiment ces gens-là, n'est-ce pas, on n'en peut plus ! ». Et le tour est joué. Vous avez gagné un point sur l'échelle du racisme ambiant. On dira que j'exagère... Mais cela est contenu explicitement dans les expressions publiques autour des arrêtés d'interdiction : Ville de Nice : « il ne s'agit pas d'interdire le port de signes religieux à la plage, mais les tenues ostentatoires qui font référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre. » Si ce n'était pas tragique, cela pourrait faire rire les nageuses-sauveteuses australiennes qui en portent. Mais l'argument le plus grotesque est celui selon lequel « burkini » commence comme « burqa » et que la « burqa » est interdite. Oui. C'est vrai. Et ça commence aussi comme « burne ».
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Tout petit petit burkini - Péguy-Pasolini #15 - Diégèse 2016
1. Il convient ici de rappeler que Péguy écrit Notre jeunesse en 1910, avant de mourir dans les premiers combats de 1914. Il a été l'un des premiers défenseurs de Dreyfus, et Notre jeunesse, pamphlet politique qui oppose la mystique à la politique  se fonde sur le souvenir des luttes pour Dreyfus. Il ne faudrait donc pas lire le texte de Péguy à la lumière des  événements qui se sont déroulés lors de la montée du fascisme et du nazisme et de l'antisémitisme des années 1930, de la shoah et de la création de l'État hébreu. Ce serait évidemment un contresens.















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