Diégèse




dimanche 28 août 2016



2016
ce travail est commencé depuis 6085 jours (5 x 1217 jours) et son auteur est en vie depuis 20538 jours (2 x 32 x 7 x 163 jours)
ce qui représente 29,6280% de la vie de l'auteur deux mille neuf cent trente-quatre semaines de vie
hier



L'atelier du texte demain
avant-hier



#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Quand je dis que le récent petit discours de Castelgandolfo est historique, j'entends faire référence à tout le cours de l'histoire de l'Église catholique, c'est-à-dire de l'histoire humaine (euro centrique et, c'est déjà ça, culturocentrique). Paul VI a en effet admis explicitement que l'Église a été vaincue par le monde ; que le rôle de l'Église est soudain devenu incertain et superflu ; que le Pouvoir réel n'a plus besoin de l'Église et l'abandonne donc à elle-même ; que les problèmes sociaux trouvent leurs solutions au cœur d'une société dans laquelle l'Église n'a plus de prestige : que n'existe plus le problème des « pauvres », c'est-à-dire le problème le plus important pour l'Église, etc. J'ai résumé les idées de Paul VI avec des mots à moi : des mots que j'emploie depuis longtemps pour dire ces mêmes choses. Mais le sens du discours de Paul VI est bel et bien celui que je viens de résumer ; de plus, les mots ne sont pas très différents.
À vrai dire, ce n'est pas la première fois que Paul VI est sincère, mais, jusqu'à présent, ses impulsions de sincérité ont eu des manifestations anormales, énigmatiques et souvent (du point de vue de l'Église elle-même) un peu inopportunes. C'était presque des raptus, qui révélaient son véritable état d'âme ; et qui coïncidaient objectivement avec une situation historique de l'Église personnellement vécue par son chef. Les encycliques « historiques » de Paul VI n'étaient que le fruit d'un compromis entre l'angoisse du pape et la diplomatie du Vatican, un compromis qui ne laissait jamais comprendre si ces encycliques constituaient un progrès ou une régression par rapport à celles de Jean XXIII. Le pape profondément impulsif et sincère qu'est Paul VI a fini par apparaître, par définition, comme ambigu et insincère. Mais, à présent, d'un seul coup, toute sa sincérité s'est révélée, avec une clarté presque scandaleuse. Mais comment et pourquoi ?
Il n'est pas difficile de répondre. Pour la première fois, Paul VI a fait ce que Jean XXIII faisait habituellement, c'est-à-dire qu'il a expliqué la situation de l'Église en recourant à une logique, à une culture et à une problématique non ecclésiastiques, et même, au contraire, extérieures à l'Église : celles, rationnelles et peut-être socialistes, d'un monde laïque — même s'il est simplifié et anesthésié par la sociologie.

En littérature, le genre burlesque, est, si l'on en croit le dictionnaire de l'Académie française, ce genre « qui prête à des personnages historiques des actions ridicules et des paroles grossières ou triviales ». Pour que la photographie du Président Hollande au Kazakhstan entre dans le burlesque, il faut donc que celui qui la regarde puisse superposer au récit officiel et autorisé de l'image, récit qui est ici évident : un cadeau et une photographie protocolaires, un autre récit, décalé et irrévérencieux. Ainsi, ce qui fait rire dans cette photographie, c'est d'abord, très certainement, le costume traditionnel, et en tout premier lieu la chapka qui, dans la culture populaire française, est une source infinie de moqueries. Depuis les années 1950 et la guerre froide, la chapka est fondue dans un ensemble imaginaire qui porte le nom en voie d'obsolescence de « Popoffs », notion qui agglutine en un tout ringardisé les Chœurs de l'armée rouge et Kalinka, l'esthétique soviétique et feu Ivan Rebroff, que l'on voyait rarement sans son couvre-chef en fourrure, comme la vidéo proposée ici en fait la démonstration. Mais il y a aussi les Aventures de Tintin. Dans les voyages de Tintin, les personnages qui, croyant se fondre dans la population autochtone, vont porter un vêtement traditionnel qui va au contraire les désigner comme étrangers et, de surcroît, ridicules, ces sont les Dupond et Dupont, les deux policiers parfaitement inefficaces. C'est cette référence qui apparaît d'ailleurs en premier dans les commentaires en ligne de cette photographie. Ainsi, celui qui regarde va faire comme si il croyait que le Président était venu habillé ainsi et que cela, en conséquence, fût drôle, car ridicule. Mais cette posture éphémère n'est possible que si la référence est partagée. Bergson nous a appris que le rire était toujours le rire d'un groupe. Si la référence n'était pas partagée, si l'image n'était drôle que pour soi, elle ne serait pas vraiment drôle. Il y a toujours quelqu'un qui, au moins fantasmatiquement, regarde avec moi quand je trouve une image drôle.
Le petit discours historique de Castelgandolfo - Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires
Péguy-Pasolini #16 - Diégèse 2016










28 août







2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000




2015 2014
2013 2012 2011 2010