Diégèse 2016


#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -


Tout petit petit burkini - Péguy-Pasolini - #15 -


16 août
C'est en juin 1936 que le Front populaire a instauré les congés payés pour les salariés, et dès l'été de nombreuses familles ouvrières sont parties « en vacances ». Au fil du temps, cet été 1936 est devenu cet été mythique où la classe ouvrière, libérée du carcan de l'usine, a pu rencontrer la nature et des paysages différents, vivre autrement. Les images d'archives montrent des trains bondés, des familles avec des bagages, des bicyclettes tandem. Les corps des ouvriers y sont montrés autrement qu'au travail, comme si, pour la première fois aussi, la société reconnaissait à l'ouvrier le droit de disposer de son corps autrement que pour le travail. Regarder ces images aujourd'hui, c'est aussi regarder des personnes qui ne savent pas que les scènes de foule dans les gares, les cohortes sur les routes, quatre années plus tard, vont se rejouer sur le versant tragique de la guerre et qu'il ne s'agira plus de vacances, et que toute joie aura disparu.
C'est à partir de 1936 que va s'instituer une nouvelle culture de la villégiature populaire, qui va dès lors se superposer à la culture bourgeoise des grands hôtels et des manoirs, des cabines de plage et des restaurants guindés, celle de Proust et de Morand. Les habitants des faubourgs des villes industrielles vont rejoindre les faubourgs des stations balnéaires, imprimant ainsi une nouvelle géographie et généralisant aux côtes et aux campagnes la notion même de banlieue. L'adoption du mode de vie du vacancier, d'un accoutrement particulier, de modes de consommation hédonistes - quand on peut se le permettre - et l'acquisition de « souvenirs » vont s'inscrire dans un imaginaire rapidement capté par le cinéma. Les gendarmes de Saint-Tropez chasseront le naturiste et les bronzés n'en finissent pas depuis presque quarante ans de se moquer de ceux qui bronzent en cherchant à baiser.
Cet imaginaire des vacances issu de la société industrielle est demeuré bien vivace dans la société post-industrielle parce que c'était un imaginaire de classe dans une société de classes. Dès lors que cette société surimpose à la classe la communauté et le communautarisme, il fallait bien que cet imaginaire là aussi en soit bouleversé.
17 août Alors que l'espace médiatique du mois de juillet 2016 a été saturé par les attentats, le mois d'août oscille entre des Jeux olympiques poussifs et l'interdiction ou non des costumes de bain compatibles avec l'islam rigoriste sur les plages françaises. On avait pensé à sécuriser les plages en armant les nageurs-sauveteurs, mais ils n'étaient pas armés pour affronter le bain ou le non-bain de femmes habillées de la tête au pied. Alors, sur les réseaux sociaux, sur les plages corses et dans les médias, on s'écharpe sur le bien fondé ou non de l'interdiction du « burkini » - marque déposée. Il y a même eu des échauffourées sérieuses en Corse et la presse, même la presse supposée sérieuse, a évoqué alors une rixe « inter communautaire ». C'est ainsi que l'on a appris, ébahis, par exemple sur France-Télévision et dans le journal Le Monde, que les Corses étaient une « communauté » et que la Corse était ainsi peuplée de « communautés » corses, de « communautés » musulmanes - lire arabes -. On n'a pas su si les touristes non corses et non musulmans constituaient en Corse une autre de ces « communautés ».Très certainement...
Tout cela serait risible s'il ne s'agissait pas d'une violence symbolique sociale dure et que celle-ci s'exprime, comme souvent, en prenant le corps des femmes en otage. Mais la prise d'otage n'est pas celle que l'on voudrait nous faire croire, car, ce n'est pas le port du « burkini » qui l'opère, mais bien le traitement médiatique et politique du port de ce costume de bain.
Alors, pour s'échapper de débats viciés et manipulateurs, revenons aux questions culturelles sérieuses : qu'en est-il du corps ? Qu'est-ce que l'on fait au corps ? Qu'est-ce que l'on fait dire au corps ?
L'épopée de la villégiature estivale, que ce soit celle des grands hôtels de la côte d'azur, ou celle des bains de mer revigorants de plages plus septentrionales, peut aussi se lire via l'aventure des corps et des costumes de bain. Que peut-on montrer ou ne pas montrer ? Bien sûr, la question se fait plus pressante lorsqu'il s'agit des femmes, sans doute parce que les hommes ont à travers le temps le goût de fétichiser n'importe quelle partie du corps féminin. À la fin du 19ème siècle, sur les plages du Touquet dont le maire vient d'interdire le « burkini », les femmes gardaient souvent leur chapeau ou leur charlotte, mais il s'agissait surtout que la femme ne montrât pas ses genoux. Puis, peu à peu, le costume s'est fait plus léger, jusqu'au bikini des années 1960, alors révolutionnaire. C'est ainsi que l'on a cru que plus le temps passerait, plus les femmes sur les plages seraient dénudées. Il n'en est évidemment rien, car, sur les plages, il y a aussi des hommes.
18 août S'agissant de cette affaire du « burkini », qui est une affaire estivale, il faut surtout s'éloigner du cadre même des analyses produites par les médias et le personnel politique - ce sont les mêmes analyses - et essayer de replacer ce fait, très marginal dans l'été français de 2016, pour ce qu'il est d'abord : des femmes, en petit nombre, sur quelques plages, vont « à la plage » - ce qui signifie à la fois « sur la plage » et « dans la mer », dans des costumes de bain qui couvrent tout leur corps, sauf les mains, les pieds et le visage. Énoncé de cette façon, banale et plate, on se demande d'emblée comment on peut transformer ce fait ténu en attaque culturelle, et même en attentat culturel. Il n'est pas besoin de préciser que le « burkini » ne permet pas de dissimuler plus aisément que d'autres costumes de bain des explosifs, des armes à feu ou des armes blanches, et même des« machettes », puisqu'il semble désormais convenu que toute attaque à l'arme blanche faite par un individu « vaguement » musulman ou simplement arabe fasse de cette arme blanche une « machette ». (D'ailleurs « machette et burkini » pourrait être, façon polar, le titre de ce texte.). Le « burkini » ne constitue pas en soi une menace potentielle à l'ordre public comme le constitueraient une grenade, une arme à feu ou une ceinture d'explosifs.
Donc, de quoi s'agit-il ? Tout d'abord, il faut admettre que ce « burkini » n'est pas seulement un vêtement mais avant tout un signe. En cela, ceux qui fondent leur analyse pour l'interdire sur la production d'un « signe ostentatoire » n'ont pas tort de le faire. On remarquera au passage que ce qui fait le caractère « ostentatoire » de ce signe, c'est qu'il est rare. Si plus de dix pour cent des femmes sur les plages portaient des « burkinis », le caractère ostentatoire s'évanouirait comme s'est évanoui le caractère ostentatoire du bikini. Si c'est un signe, c'est donc le signe de quoi ? Le signe que la femme qui le porte adhère à une conception rigoriste de l'islam. Cela, ce n'est pas interdit par la loi, ce n'est donc pas pour cela que c'est interdit... D'ailleurs, ce n'est interdit qu'à « la plage ». En quoi « la plage » diffère-t-elle des autres espaces publics ? Je ne vois qu'une explication : la plage est l'espace public où l'on réglemente la promiscuité des corps. C'est sur cette base que le nudisme est interdit sur certaines plages et que certains maires - je ne serais pas étonné que ce soient les mêmes - ont pris des arrêtés interdisant de se promener torse nu - pour les hommes, mais cela doit valoir aussi pour les femmes - en dehors de la plage. La base de la réglementation est la pudeur. Sur une plage non nudiste, une personne nue peut être inculpée d'attentat à la pudeur. Ainsi, en fait, la menace à l'ordre public qui est invoquée repose sur la question de la pudeur. C'est assez inattendu et l'on se souviendra qu'en août 2016, la France a inventé l'attentat à la pudeur « à l'envers ». Et l'on entend déjà les Tartuffe contemporains entonner « découvrez donc ce sein que je ne saurais voir... couvert. » C'est ce même terme de « pudeur » qui est utilisé par les femmes pour justifier le « burkini ». La notion de « pudeur » est évidemment d'abord une notion culturelle que chacun actualise en fonction de sa personnalité et de ses goûts. Le « burkini » dit ainsi : je choisis culturellement, pour des motifs que j'attribue à un ensemble de préceptes religieux, de donner ce sens-là à ma « pudeur ». Soit. D'où vient donc le trouble potentiel à l'ordre public ? De ces femmes ? On n'y croit pas une seconde. Ce trouble potentiel vient évidemment des hommes, que ce soient les hommes qui accompagnent ces femmes et qui pourraient s'offusquer que ce signe ostentatoire suscite commentaires sinon quolibets ; ou des autres hommes qui par leurs commentaires ou leurs quolibets vont attenter à la pudeur de ces femmes. De toute façon, quand les hommes ne savent pas se tenir, ce sont les femmes qui prennent...
Poussons le raisonnement vers l'absurde : est-ce que le port du burkini pourrait être interdit en dehors de la plage ? A priori, je ne vois pas de motif juridique qui le permettrait, et surtout pas celui de l'attentat à la pudeur, surtout quand on voit toutes les femmes, de toutes corpulences, qui portent des justaucorps.
Alors quoi ?
Alors, il s'agit seulement d'une mesure de restriction de circulation d'une partie de la population pour des motifs d'éviction culturelle.
19 août Il y a celles et ceux qui soutiennent l'interdiction du « burkini » au profit qu'il s'agirait d'un asservissement de la femme. Autre tartufferie. Par une sorte de court-circuit spatio-temporel tels que le permettent et l'encouragent les réseaux sociaux, cette interdiction scélérate est assimilée aux images des femmes syriennes brûlant leur voile intégral dans les villes libérées du joug islamiste. Il faut mieux y réfléchir. En fait, dans cette affaire, on confond deux choses qui sont cependant distinctes et qu'il faut impérativement laisser distinctes : le « burkini » et  « l'interdiction du burkini ». On peut contester le bien fondé du premier en étant farouchement opposé au second. Car, en fait, et bien au contraire, c'est par féminisme et par militantisme féministe qu'il faut dénoncer cette interdiction. Si l'on considère que le « burkini » est un signe d'asservissement de la femme, ce n'est pas par une mesure de réclusion des femmes que l'objectif politique de leur libération sera atteint. D'ailleurs, s'il s'agissait de juguler la diffusion de l'islam radical dans l'espace public, comme on peut supposer que les maris, frères, cousins, oncles des femmes en « burkini » sont en « qamis », il faudrait donc aussi interdire les « qamis » sur les plages.  Or, je n'ai pas lu qu'il y eût des arrêtés anti « qamis ». Certes, ce serait impraticable. Heureusement ! On verrait beaucoup trop qu'il s'agit en fait d'arrêtés anti arabes. Quant à l'affaire corse, il suffit de voir sortir de garde à vue les petites frappes du village sous les hourras de leur famille pour comprendre qu'ils n'ont pas attendu le supposé « burkini » de la plage de Sisco, qui serait d'ailleurs imaginaire, pour avoir envie de jeter les Arabes à la mer. Ce sont d'ailleurs leurs semblables qui traquent les touristes qui « ne sont pas chez eux » et ne dédaignent pas, si l'occasion s'en présentent, à « casser du pédé ». Il n'est pas certain que les Corses nationalistes aient des leçons à donner sur la libération de la femme. Ils ont reproché aux familles musulmanes d'avoir voulu « privatiser » la plage et le procureur a, complaisamment, repris le terme. De la part de gens qui veulent privatiser l'île entière, c'est quand même un comble... Enfin, il y a ceux qui demandent aux musulmans de la « discrétion ». Il suffit de se rappeler que c'est aussi ce qu'on a dit pendant des siècles aux homosexuels : « vous pourriez être discrets ! », pour percevoir immédiatement que c'est franchement dégueulasse, et comme aurait dit Flaubert, « Tout le monde plie les reins devant la plus ignominieuse bêtise qu'on ait rêvée. »
20 août Jamais costume de bain, censé couvrir et dissimuler, n'aura en fait révélé autant... S'il ne révèle rien de l'anatomie féminine de qui le porte - quoique -, il a révélé l'état préoccupant de la France, de son personnel politique et des Dupont-Lajoie 2.0 qui ont envahi les réseaux sociaux et les rubriques « commentaires » des médias en ligne. Et certains d'entre-eux sont réputés cultivés et de gauche.
S'agissant du « burkini », je ne crois pas que l'on puisse attester qu'il s'agisse d'une interprétation rigoriste salafiste des préconisations islamiques, mais plutôt d'une interprétation littérale libérale qui se joue du sens de ces préconisations. La preuve en serait qu'il a été inventé par une Libano-australienne, et, en Australie, la question du voile islamique se pose autrement - ou ne se pose pas -. Par ailleurs, les photographies de femmes en « burkini » sortant de l'eau prouvent que ce vêtement, mouillé, est comme tout vêtement mouillé et qu'il colle à la peau. Les imams salafistes devraient se pencher sur la question et proclamer l'interdiction du
« burkini » pour cause d'impudeur ! Cela confirme la règle sémantique qui veut que toute littéralité finit par se retourner et signifier le contraire de ce qu'elle entendait signifier : le texte dit aux femmes de se couvrir, pas de se cacher, donc elles se couvrent, mais se montrent.. Elles ont obéi à la littéralité du texte et pas à son sens. Car, la littéralité n'est pas le sens. En outre, le Coran ne prévoit pas explicitement quelle tenue de plage les femmes doivent porter, non plus que celles des hommes.
S'agissant de l'état de santé du pays, c'est effarant. Et s'agissant de l'état de santé de la gauche, encore plus inquiétant. Rarement on a vu pareil galimatias dans les esprits. Rarement on a entendu paroles aussi peu situées politiquement. On nous refait le coup du « petit-père-Combes » à qui Jules Guesde reprochait de forcer la dose sur l'anticléricalisme pour éviter de mener à bien les réformes sociales indispensables. Ici aussi, il s'agit d'une littéralité qui se retourne... Au motif du « vivre ensemble », on prend ou on soutient une mesure qui, de facto, est une mesure réglementaire de ségrégation spatiale qui vient confirmer les mesures implicites de ségrégation sociale et économique.
Que l'on ne s'y trompe pas, toute cette affaire ne sera pas sans conséquence et contribuera à tendre un peu plus le climat social. De tels débordements de haine susciteront encore davantage de révolte.
21 août Il faut considérer cette affaire du « burkini » comme un nouveau symptôme du syndrome de « double anomie anosognosique » dont la France est affectée. Rappelons qu'il s'agit de cette maladie définie par l'auteur de ces lignes comme une double incapacité à trouver les mots pour décrire ce qui se passe, sans pour autant avoir conscience de la gravité de l'état du malade. On peut donc tenter de soigner le corps social français malade en essayant, de façon brutale de lui dire ce dont il souffre en espérant que cela provoquera un choc de conscience salutaire.
Racisme.
Ces interdictions à répétition sont le symptôme du racisme anti-arabe de la partie de la société française qui a accès à la décision publique : les élu-e-s. Le « burkini » rejoint la nourriture halal, le ramadan et les mosquées, comme signes faciles à identifier et à stigmatiser car relevant de la pratique d'une religion. Mais que l'on ne s'y trompe pas, derrière cela, c'est toujours « le bruit et l'odeur ». La manipulation de l'opinion publique est flagrante et la tactique en est éprouvée. Vous prenez un fait ou un ensemble de faits qui suscitent unanimement ou presque la réprobation : ici, les attentats. Pour dissimuler l'amalgame fantasmatique entre ce fait et une partie de la population, vous prenez un élément mineur que vous montez en épingle artificiellement : ici le « burkini ». Vous laissez le corps social s'agiter quelques jours. Même des personnalités réputées de bonne volonté vont tomber dans le piège, soulagées de pouvoir pour une fois sans honte se pincer le nez. « Car, vraiment ces gens-là, n'est-ce pas, on n'en peut plus ! ». Et le tour est joué. Vous avez gagné un point sur l'échelle du racisme ambiant. On dira que j'exagère... Mais cela est contenu explicitement dans les expressions publiques autour des arrêtés d'interdiction : Ville de Nice : « il ne s'agit pas d'interdire le port de signes religieux à la plage, mais les tenues ostentatoires qui font référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre. » Si ce n'était pas tragique, cela pourrait faire rire les nageuses-sauveteuses australiennes qui en portent. Mais l'argument le plus grotesque est celui selon lequel « burkini » commence comme « burqa » et que la « burqa » est interdite. Oui. C'est vrai. Et ça commence aussi aussi comme « burne ».
22 août Avant de conclure cette ébauche de texte sur cette affaire du « burkini », car, j'ai l'impression que, structurellement, tout est posé, tout est dit, citons encore, dans le florilège des expressions mal situées, et on pourrait même écrire « in-située », ceux qui, pour justifier son interdiction, s'appuient sur des textes, des tribunes de musulmanes ou de musulmans, le plus souvent vivant hors de France, et appelant à la vigilance sur l'expansion du wahhabisme via ce costume de bain. Il faut savoir que ce mouvement argumentatif - et « mouvement » a ici le sens qu'il prend aux échecs - a été amplement utilisé par les colonialistes supposés apporter la « civilisation ». Par dessiccation, ce mouvement se résume en fin de compte à « vous voyez ! Même eux le disent ! » Il s'agit en fait d'un mouvement d'inspiration tout autant raciste que de dire : « je ne suis pas raciste, j'ai un ami arabe. »
Comment s'en sortir ? Face à une telle question qui suscite la polémique, le premier réflexe est d'abord de ne pas tout mélanger, afin de pouvoir ensuite prétendre que l'on n'y comprend rien et de se passer d'analyse et réagir par intuition ou émotion. Il faut ainsi examiner la situation sans généraliser cette situation, et par exemple chasser l'image fantasmatique de plages couvertes de femmes... couvertes de la tête aux pieds. Bref, il faut vigoureusement expulser le fantasme que l'on est « envahis ».
Quelle est la situation ? Quelques femmes issues de quartiers pauvres et pratiquant la religion musulmane, plutôt que de rester avec leur hijab sur la plage sans se baigner, ont voulu adopter un costume de bain plus pratique. Si « trouble à l'ordre public » il y a eu, il ne vient pas d'elles mais, soit de racistes anti arabes, soit des hommes de leur propre entourage ne supportant pas, en fait, que leur femme - sœur - mère - cousine - etc. soit sur une plage à la vue potentielle d'autres hommes. Si trouble il y a, il est du fait des mâles. Il n'est juridiquement pas possible d'affirmer que ces femmes sont forcées de porter ce vêtement. Le seraient-elles qu'il faudrait agir à l'encontre de ceux qui les forcent. L'argument de l'aliénation, au sens marxiste du terme, ne tient pas davantage. Ou alors, il faut aussi interdire le string, les seins en silicone, l'anorexie, l'épilation intégrale, toutes formes de tortures infligées aux femmes et qui n'ont rien à voir avec l'islam. Arguer de cette interdiction pour faire « barrage » à l'extrême-droite est une faute morale et politique majeure. C'est celle de la collaboration et c'est un encouragement aux idées nauséabondes et proprement anti françaises qui sont celles du Front national et de ses alliés. Ce n'est pas en allant s'embourber dans le racisme que l'on pourra combattre dignement le racisme.
La seule position, en conséquence, qui me semble politiquement possible comme position républicaine est celle d'être deux fois contre : contre l'interdiction du « burkini » et contre le « burkini » en ne « touillant » pas les deux argumentations. Il faut être contre le « burkini » comme objet de domination de l'homme sur la femme pour de vagues motifs de religiosité et continuer de clamer que, tant que la femme sera obligée de cacher une parcelle de son corps pour « ne pas faire envie » à un homme, le combat féministe ne sera pas éteint. La lutte pour l'égalité intégrale et radicale entre l'homme et la femme ne souffre pas d'exception. Il faut être contre l'interdiction du « burkini » pour ce en quoi elle ne saurait être une voie pour atteindre  ces mêmes objectifs d'égalité, et parce que cette interdiction est une expression de domination de classe sur une autre classe via une nouvelle contrainte faite aux femmes.
Ce n'est pas si compliqué, en fait !