Diégèse




lundi 18 janvier 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n'en remontre pas, de ceux à qui on n'en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n'a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles. Comme nous. C'est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement : le monde de ceux qui n'ont pas de mystique. Et qui s'en vantent. Qu'on ne s'y trompe pas, et que personne par conséquent ne se réjouisse, ni d'un côté ni de l'autre. Le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement que le mouvement de sa déchristianisation. C'est ensemble un même, un seul mouvement profond de démystication. C'est du même mouvement profond, d'un seul mouvement, que ce peuple ne croit plus à la République et qu'il ne croit plus à Dieu, qu'il ne veut plus mener la vie républicaine, et qu'il ne veut plus mener la vie chrétienne, (qu'il en a assez), on pourrait presque dire qu'il ne veut plus croire aux idoles et qu'il ne veut plus croire au vrai Dieu. La même incrédulité, une seule incrédulité atteint les idoles et Dieu, atteint ensemble les faux dieux et le vrai Dieu, les dieux antiques,  le Dieu nouveau, les dieux anciens et le Dieu des chrétiens. Une même stérilité dessèche la cité et la chrétienté. La cité politique et la cité chrétienne. La cité des hommes et la cité de Dieu. C'est proprement la stérilité moderne. Que nul donc ne se réjouisse, voyant le malheur qui arrive à l'ennemi, à l'adversaire, au voisin. Car le même malheur, la même stérilité lui arrive.
Nous serions donc entrés dans un temps nouveau, et ce temps aurait pour caractéristique principale la « retribalisation » de nos sociétés. Que l'on m'entende bien, il ne s'agit pas ici d'utiliser le mot « tribu » comme une métaphore utile en sociologie, mais, comme la marque culturelle de l'arrêt du mouvement d'individualisation de l'être, mouvement engagé depuis les Lumières, c'est à dire rien de moins que l'arrêt de l'éveil de l'être en tant que sujet dans nos sociétés. Ce n'est pas la première fois. Tous les totalitarismes s'y sont essayés. Tous ont commencé par réussir, avant d'échouer. Et c'est bien là le problème. Et c'est bien là la question. La question n'est pas de savoir si les totalitarismes vont échouer, car c'est leur destin d'échouer. Le problème est ainsi de savoir que l'on ne vit qu'un temps, qu'un temps donné et il y a ceux qui ont vécu les temps de guerre et ceux qui ont vécu les temps de paix. Il y a ceux qui ont vécu le délitement constant de leurs croyances, de ces croyances qui faisaient leur joie, et ceux qui ont vécu l'espoir et même l'espérance. Charles Péguy écrivait dans Notre Jeunesse que sa génération était la dernière, qu'elle était l'arrière-garde et qu'après sa génération, il n'y avait rien. Cette jeunesse que Péguy regardait avec inquiétude en 1910, regrettant qu'elle fût sans « mystique » allait quatre années plus tard périr massivement dans les tranchées, avec le même Péguy, d'ailleurs, tué dans les premiers affrontements à quarante-et-un ans. Pasolini regarde la jeunesse de 1973 avec la même incrédulité inquiète. L'un et l'autre s'en prennent à ce qu'ils nomment ou ne nomment pas « le monde moderne ». Est-ce que cela les place en conséquence, ensemble ou séparément, dans le même camp des réactionnaires ? Passé quarante-ans, quand on regarde le monde et qu'on s'étonne, et qu'on regrette, et qu'on critique, il faut toujours se demander si l'on n'est pas devenu subrepticement réactionnaire.
Charles Péguy - Notre Jeunesse 
Les Années barbues - Diégèse 2016 Péguy-Pasolini #01










18 janvier






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La mémoire est pesante, insistante, même dans son absence.

Écoute-moi. Écoute-moi une fois, une première fois, il était une fois, il était un temps, il était ailleurs, il était autre part, il était dans un autre temps, il était dans le souvenir, il était dans le vent, il était un souvenir, un souvenir que je te donne, le souvenir d'une vie blanche, le souvenir d'une vie ailleurs, d'une autre vie, de ma vie, de ma vie peut-être...
Combien de temps encore quand la pensée peut brutalement s'opposer au cours du temps.







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Nous chantions dans le soir italien, marchant déterminés vers le souvenir. Je retiens qu'il faut donner la prééminence à la pensée et au mouvement de la pensée sur le stock, sur la garantie, sur le capital de mémoire car c'est la pensée et c'est le mouvement de la pensée qui rendent vivant, qui font la vie alors que c'est le stock, le capital de la mémoire qui rend soudain idiot.