En fait et dans le détail même c'est ne pas connaître un
mot de l'affaire Dreyfus et du dreyfusisme et notamment de la manière
dont elle a commencé que de croire, que de s'imaginer qu'elle est comme
une invention, une fabrication, une forgerie du parti juif, de la
politique juive, que le parti juif, la politique juive ait vu de bon cœur poindre le commencement de cette affaire. C'est très
exactement le contraire. Ils ne savaient pas bien, mais ils se
méfiaient. Ils avaient raison de se méfier. Au point de vue des
intérêts. Cette affaire, somme toute, et sous des victoires apparentes,
sous des aspects de conquête(s), sous des surfaces de triomphe, leur a
fait (beaucoup) plus de mal que de bien. Au point où en est tombée
aujourd'hui la courbe de l'histoire de cette affaire, nous pouvons dire
en effet aujourd'hui qu'une première fois nous fûmes vainqueurs des
antidreyfusistes antidreyfusistes ; qu'une deuxième fois nous fûmes
vaincus par les antidreyfusistes dreyfusistes ; qu'aujourd'hui enfin
nous sommes en train d'être vaincus par les deux ensemble. Ils se
méfiaient. Prévoyaient-ils ce tumulte énorme, cet énorme ébranlement ?
On ne prévoit jamais tout. En tout cas ils n'aiment pas soulever des
tumultes. Quand donc la famille de M. Dreyfus, pour obtenir une
réparation individuelle, envisageait un chambardement total de la
France, et d'Israël, et de toute la chrétienté, non seulement elle
allait contre la politique française, mais elle n'allait pas moins
contre la politique juive qu'elle n'allait évidemment contre la
politique cléricale. Une mystique peut aller contre toutes les
politiques à la fois.
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L'écriture
au jour le jour s'expose au bousculement des événements. Le 14 juillet
au soir, le conducteur d'un camion a délibérément fauché des personnes
rassemblées sur la Promenade des Anglais à Nice pour le feu d'artifice
du 14 juillet, faisant, plus de quatre-vingt morts, avant d'être abattu
par la police. Si l'on s'éloigne un peu de l'émotion et de la peine, si
l'on s'éloigne aussi des réactions politiciennes du personnel
politique, et même de celle du maire de Nice qui, de peur sans doute
d'être pris en défaut d'organisation d'un événement dont la police lui
incombe de par la loi, se retourne vers l'État dans un mouvement
infantile et grossier. Si l'on oublie tout cela, et que l'on met de
côté, un instant, la peine et le deuil, que reste-t-il de tout cela ?
Tout d'abord, au tout premier plan, une immense inquiétude. Le
changement de mode opératoire à chaque attentat et la diversité des
profils des assassins approchent un peu chaque fois la crainte de
représailles contre les musulmans, c'est à dire, en l'occurrence,
contre les Arabes. Et, peu savent que ces représailles, sur fond de
pré-guerre civile, sont dans le plan de guerre des commanditaires de
ces attentats. Il s'agit bien d'aller vers la guerre civile. Il reste
l'effarement que tout homme entre quinze et soixante ans de type
nord-africain ou moyen-oriental sera désormais considéré comme un
terroriste potentiel. Et cela aussi est inclus dans le plan des
terroristes. Les feux d'artifice ne sont pas interdits par l'Islam,
mais dans la lutte de l'émotion, ce que j'ai appelé « l'émotionnisme »,
ils sont un support de choix. Ils sont en effet sans idéologie. La fête
nationale, si elle en est le prétexte, n'en est que le prétexte et il
n'y a rien qui puisse être jugé comme impie dans cette manifestation
joyeuse. L'émotion n'en est que plus grande.
Mais, le plus grave à l'heure où j'écris ces lignes et que l'attentat
ne connaît encore aucune revendication, c'est que personne n'a osé
supposer que l'auteur de cet acte terrible soit - je n'ose écrire « seulement » - un déséquilibré.
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