Diégèse




samedi 7 mai 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










24 juin 1974
Le véritable fascisme et donc le véritable antifascisme

Qu'est-ce que la culture d'une nation ? On pense couramment, même parmi les personnes cultivées, que c'est la culture des savants, des hommes politiques, des professeurs, des littéraires, des cinéastes, etc., autrement dit la culture de l'intelligentsia. Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas non plus la culture de la classe dominante qui, à travers la lutte des classes, essaye de l'imposer au moins formellement. Ce n'est pas non plus, enfin, la culture de la classe dominée, à savoir la culture populaire des ouvriers et des paysans. La culture d'une nation est l'ensemble de toutes ces cultures de classes : c'est leur moyenne. Elle serait donc abstraite si on ne pouvait la reconnaître — ou mieux, la voir dans le vécu et dans l'existentiel, et si, par conséquent, elle n'avait une dimension pratique. Pendant de nombreux siècles, en Italie, ces cultures ont été spécifiques, même si elles étaient historiquement unifiées. Aujourd'hui, différence et unification historique ont — presque d'un seul coup, dans une sorte d'Avent — cédé la place à un nivellement qui réalise presque miraculeusement le rêve de mélange des classes du vieux Pouvoir. À quoi donc est dû un tel nivellement ? Bien évidemment, à un nouveau Pouvoir.




« Qu'est-ce que la culture d'une nation ? » C'est ainsi que commence un petit texte de Pasolini publié dans le Corriere della sera en juin 1974. La question porte sa propre métonymie car, la culture est une part essentielle de ce qui définit la nation, si l'on entend le terme « culture »  dans un sens proche de celui que les Allemands donnent au mot « kultur », en opposition au mot « bildung », qui définirait, lui, la matière que traite habituellement un ministère de la « culture » : patrimoine, création artistique... Bien sûr, il n'y a pas de totale disjonction entre « kultur » et « bildung », il y a une intersection sémantique non vide, ou plutôt une mise en tension plus ou moins forte selon les temps. Pour Pasolini, l'Italie des années 1970 est entrée dans une période où le rapport entre « kultur » et « bildung » se modifie, se tord au bénéfice d'un nouveau « Pouvoir », qu'il écrira avec un « P » en lettre capitale, le pouvoir de la société de consommation, qu'il qualifiera de nouveau fascisme. Quand Pasolini parle de fascisme, il évoque précisément le régime de Mussolini, et non le fascisme comme abstraction politique autoritaire telle que la posent les mouvements antifascistes actuels. Il évoque le fascisme comme régime essentiellement « culturel », car fondé sur l'exaltation de l'italianité, comme la Troisième République en France est aussi un régime essentiellement « culturel », qui construit ses mythes nationaux en réaction à la perte de l'Alsace et de la Lorraine.
Pier Paolo Pasolini - Écrits corsaires
Diégèse 2016 - Péguy-Pasolini #10
* Corriere della sera, sous le titre de : « Le pouvoir sans visage ».















7 mai







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