Diégèse




lundi 17 octobre 2016



2016
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#Péguy-Pasolini - les textes de Diégèse 2016 -










Il se passionnait ingénument pour tout ce qui était voies et moyens de communications. Tout ce qui était allées et venues, géographiques, topographiques, télégraphiques, téléphoniques, aller et retour, circulations, déplacements, replacements, voyages, exodes et deutéronomes lui causait un amoncellement de joie enfantine inépuisable. Le métro particulièrement lui était une victoire personnelle. Tout ce qui était rapidité, accélération, fièvre de communication, déplacement, circulation rapide l'emplissait d'une joie enfantine, de la vieille joie, d'une joie de cinquante siècles. C'était son affaire, propre. Être ailleurs, le grand vice de cette race1, la grande vertu secrète ; la grande vocation de ce peuple. Une renommée de cinquante siècles ne le mettait point en chemin de fer que ce ne fût quelque caravane de cinquante siècles. Toute traversée pour eux est la traversée du désert. Les maisons les plus confortables, les mieux assises, avec des pierres de taille grosses comme les colonnes du temple, les maisons les plus immobilières, les plus immeubles, les immeubles les plus écrasants ne sont jamais pour eux que la tente dans le désert. Le granit remplaça la tente aux murs de toile. Qu'importe ces pierres de taille plus grosses que les colonnes du temple. Ils sont toujours sur le dos des chameaux. Peuple singulier.
Combien de fois n'y ai-je point pensé. Pour qui les plus immobilières maisons ne seront jamais que des tentes. Et nous au contraire, qui avons réellement couché sous la tente, sous des vraies tentes, combien de fois n'ai-je point pensé à vous, Lévy, qui n'avez jamais couché sous une tente, autrement que dans la Bible, au bout de quelques heures ces tentes du camp de Cercottes étaient déjà nos maisons. Que vos pavillons sont beaux, ô Jacob ; que vos tentes sont belles, ô Israël. Combien de fois n'y ai-je point pensé, combien de fois n'ai-je point pensé à vous, combien de fois ces mots ne me remontaient-ils pas sourdement comme une remontée d'une gloire de cinquante siècles, comme une grande joie secrète de gloire, dont j'éclatais sourdement par un ressouvenir sacré quand nous rentrions au camp, mon cher Claude, par ces dures nuits de mai. Peuple pour qui la pierre des maisons sera toujours la toile des tentes. Et pour nous au contraire c'est la toile des tentes qui était déjà, qui sera toujours la pierre de nos maisons.

Il arrive parfois qu'un personnage qui demeure « dans son rôle » soit parfaitement dans ce rôle et le porte à un niveau d'incandescence surprenant. Les élections américaines, par le seul gigantisme des moyens de communication qui sont mobilisés, poussent le métarécit comme on pousse un moteur en sur-régime. Le pays qui a inventé le « story-telling » fait de ce mode de communication une sorte de sport de combat redoutable dans lequel s'affrontent des champions déployant des mythes et des légendes supposées rejoindre et nourrir l'imaginaire populaire américain et s'en nourrir aussi. Dans ce sport, et pour une cause respectable, est née une championne toute catégorie : Michelle Obama. D'abord les faits : prononçant un discours de soutien à la candidate démocrate à l'élection présidentielle dans le New-Hampshire, l'épouse du Président actuel a évoqué les propos graveleux de Donald Trump, controversé candidat républicain. Celui-ci raconte dans une vidéo ses pratiques de séducteur le conduisant jusqu'à embrasser les femmes contre leur gré. Michelle Obama a dénoncé ces propos et ces comportements qui lui semblent relever de la prédation sexuelle. Mais les faits, seuls, ne rendent pas compte de l'impact sur l'imaginaire social américain de cette passe médiatique réussie. Car, voix cassée par l'émotion, Michelle Obama est soudainement apparue comme la représentante, et même l'incarnation vivante, de la longue lignée de femmes, et de femmes noires, lutinées par leur patron, et par leur patron blanc, dans l'arrière-cuisine de leur relégation sociale. À l'imaginaire du cow-boy, amateur de chevaux et d'arme, et aussi de femmes, à cet imaginaire de western sans cesse activé par Trump, elle a opposé celui qui a porté son mari à la présidence des États-Unis : la lutte du Nord contre le Sud, la libération des esclaves, les droits de l'homme, la dignité retrouvée, le rêve de Luther-King... Dès lors, Trump est précipité dans les rangs des perdants. Élire Trump, ce serait réécrire l'histoire du pays en faisant, à chaque fois, gagner les méchants et les injustes et cela n'est pas possible sauf à déliter l'imaginaire américain dans son entièreté. Trump gagnerait-il par malheur les élections qu'il les aurait malgré tout, historiquement, perdues.
Charles Péguy - Notre Jeunesse  -
Péguy-Pasolini #19 - Sortir du métarécit
1. Il convient ici de rappeler que Péguy écrit Notre jeunesse en 1910, avant de mourir dans les premiers combats de 1914. Il a été l'un des premiers défenseurs de Dreyfus, et Notre jeunesse, pamphlet politique qui oppose la mystique à la politique se fonde sur le souvenir des luttes pour Dreyfus. Il ne faudrait donc pas lire le texte de Péguy à la lumière des événements qui se sont déroulés lors de la montée du fascisme et du nazisme et de l'antisémitisme des années 1930, de la shoah et de la création de l'État hébreu. Ce serait évidemment un contresens.
De la même façon, le mot « race » a chez Péguy le sens qu'il avait au XIXe siècle et a un sens proche de « lignée ».
















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