Diégèse




dimanche 18 août 2019



2019
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Ce serait un autre travail 230



Mathieu Diégèse














Hélène, pouvez-vous nous parler de votre rétrospective à l'Institut d'art contemporain (Institute for contemporary art - ICA) de Boston ? Il n'est pas très courant qu'un.e artiste français.e qui vit et travaille en France, ait une rétrospective aux États-Unis, dans un lieu aussi repéré que l'ICA, de surcroît.

« Je ne sais pas si c'est courant ou pas. Je ne me suis pas posé cette question. Ce qui était certain, en revanche, c'est que ce n'était pas courant du tout pour moi d'imaginer une rétrospective. C'était même très inhabituel ! (rires). Je voudrais tout d'abord dire que rien de cela n'aurait été possible sans Barbara Lee. Je pense d'ailleurs que c'est formidable de s'appeler Barbara Lee et si c'était à refaire je demanderais à m'appeler Barbara Lee, puisque vous pouvez être alors, soit une sénatrice démocrate afro-américaine qui ne cesse de combattre pour la paix, soit cette Barbara Lee qui a fait plusieurs dons importants d'œuvres d'art à l'ICA, œuvres qui ont toutes la particularité d'avoir été réalisées par des artistes femmes. L'une et l'autre pensent que le monde serait meilleur si les femmes avaient plus de responsabilités. Est-ce que c'est vrai ? Je ne sais pas, mais, ce que je sais, c'est que l'on n'a jamais vraiment essayé... (rires) La Barbara Lee de l'ICA a vendu aux enchères pour Quarante-et-un millions de dollars une œuvre d'Andy Warhol de 1962, la White Marilyn pour acquérir avec cet argent des œuvres d'artistes femmes. Mais, elle collectionnait depuis longtemps, depuis plus de trente ans. Alors, maintenant, quand vous êtes une artiste et que vous arrivez à l'ICA, c'est un peu comme si vous étiez accueillie par Louise Bourgeois, Marlene Dumas, Mona Hatoum, Lorna Simpson, et aussi Jenny Holzer, Louise Lawler et tant d'autres. Je crois que les artistes hommes - il faudrait leur demander - quand ils arrivent dans un musée qui présente des œuvres d'artistes immensément célèbres, ils sont impressionnés mais aussi dans une forme de compétition. ON leur apprend tellement ça dès le plus jeune âge, la compétition, et ce n'est pas le monde de l'art qui les soigne de cela, la compétition. C'est très différent pour les artistes femmes. Moi, je me suis sentie accueillie par toutes ses consœurs et très rassurée d'être au milieu d'elles. Paradoxalement, c'est ce qui permet de dépasser la condition d'artiste-femme. On ne rappelle pas en permanence à Jenny Holzer ou à Mona Hatoum qu'elles sont des femmes. Alors, quand on est dans un lieu comme l'ICA, pour monter une exposition, il y a quelque chose de l'ordre d'une autorisation artistique incroyable. »

Est-ce qu'il y a une œuvre que vous aimez particulièrement parmi celles données par Barbara Lee ?

« Une ? C'est difficile. Il y a bien sûr Histoire des robes d'Annette Messager, qui, sauf à ce que je me trompe, est la seule œuvre d'une artiste française parmi les dons de Barbara. Mais, si je ne devais n'en garder qu'une, ce serait une œuvre de Mona (Hatoum) intitulée T42 qui représente deux tasses à thé siamoises. Je ne sais pas bien pourquoi, mais je ressens une grande émotion quand je regarde cette œuvre, qui me semble mystérieusement liée tout à la fois à la terrible condition humaine comme à celle du couple, quel qu'il soit. »

Qu'est-ce que vous gardez de Boston ?

« Une montre. Oui, une montre que j'ai achetée dans la boutique de l'ICA. Elle se nomme Suprematism, en référence à Malevich. Elle se nomme même Kazimir Suprematism. Mais, bien sûr, aujourd'hui « suprématisme », c'est tellement proche de « suprémacisme » que l'on ne peut faire semblant de l'ignorer. Alors, j'ai remarqué que dans cette petite montre, la grande aiguille est noire et que la petite est blanche. Et il y a une aiguille bleue, toute petite, qui est l'aiguille des secondes. Nous, les femmes, dans l'art, il me plaît de le penser, nous sommes la petite aiguille bleue. »









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4e de couverture






Mathieu Diégèse, historien de l'art et critique reconnu, est allé à la rencontre de l'artiste Hélène Pammabroze. Il revient avec elle sur son parcours depuis sa formation aux Beaux-Arts d'Istanbul, où elle avait suivi un amour de jeunesse, jusqu'à sa rétrospective éclatante à Boston. On sait que le travail d'Hélène Pammabroze se distingue par un usage de la couleur très particulier. Rien à voir avec le noir de son ami Soulages, et encore moins avec celui d'Anish Kapoor. Elle ne revendique quant à elle aucune exclusivité sur les pigments qu'elle utilise. D'ailleurs, son travail n'est pas uniquement pictural. Il est aussi photographique et vidéographique. On lui connaît aussi quelques sculptures qui viennent ponctuer son parcours artistique.
Cet entretien avec Hélène Pammabroze est tout à la fois une belle introduction à une œuvre qui marquera notre temps et un récit de vie très attachant. On pose le livre, magnifiquement illustré, avec une seule envie : se précipiter dans un musée ou une galerie pour voir les œuvres.
Ce livre est aussi un traité des couleurs, qui rend hommage aux grands anciens, avec fraternité, ou plutôt sororité, comme le dit très justement l'artiste.










18 août







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