Diégèse




dimanche 7 avril 2019



2019
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Je vais vous laisser là 97



Noëmie Diégèse














Une locution, qui n'est pourtant pas nouvelle, connaît depuis quelques années un succès incroyable qui fait qu'elle ponctue presque chacune des phrases des plus jeunes comme des moins jeunes. Il s'agit de la locution « du coup. » Il faut admettre qu'elle est particulièrement contagieuse et qu'il vous suffira de passer quelques heures avec des personnes de moins de trente ans pour que vous rentriez chez vous en fredonnant : « du coup, du coup, du coup. »
Si l'on se tourne vers le lexicographe, sans surprise, le terme « coup » n'a rien de bien agréable, surtout s'il est « bas » ou encore « mauvais. » Dans ce dernier cas, si l'adjectif « mauvais » est antéposé (placé devant), ce coup-là, mauvais, donc, pourrait même conduire devant la justice. Apprenant la nouvelle, alors, on « en prend un coup, » surtout quand on apprend que l'on est tombé « sous le coup » d'un mandat d'arrêt. Une fois sortie de prison, l'entourage tient à « marquer le coup. » en organisant un bon repas.
La liste est longue des expressions qui utilisent le terme « coup. » On pourrait même dire que dans la langue, « coup » « tient bien le coup » et n'a pris aucun « coup de vieux. » Cependant, cela ne nous dit rien de l'engouement pour « du coup. »

Remarquons tout d'abord que ce « du coup » peut être « d'un seul coup, » et même « du premier coup. » C'est donc que l'on serait dans l'univers du jeu, de celui du « coup de dés, » dont on sait depuis Mallarmé qu'il n'abolit jamais le hasard, ou plutôt que jamais, il n'abolira le hasard. Faut-il donc penser que ce « du coup » viendrait de l'usage depuis le plus jeune âge du jeu vidéo, d'abord sur des consoles dédiées, puis sur des téléphones mobiles dits intelligents, ou plutôt, en anglais « smart ? » L'univers du jeu est constitué de séquences juxtaposées déterminant une progression dans la dextérité à déjouer les obstacles proposés par l'application. On va ainsi de coups en coups, par à-coups. « Du coup, » par mimétisme, la vie devient une série de séquences qu'il faut accomplir à la suite sans en avoir vraiment choisi le déroulé et sans avoir vraiment éprouvé la nécessité d'en choisir les effets de causalité et de conséquence.

À bien regarder les jeunes qui nous entourent, qui vivent dans un monde où l'instantanéité tient de plus en plus de place, on remarque que leur vie est saccadée et que ce « du coup, » qui semble contenir en condensé tout l'implicite causal qui les conduit à produire tel ou tel acte est le signal sonore qui indique qu'ils changent de mode, comme on actionne son téléphone ou sa trottinettes électrique. « du coup » est une sorte de « on/off » de l'existence contemporaine. Et l'on entendrait presque résonner cette réplique de La Cantatrice chauve de ce bon vieil Eugène IONESCO : « quelle cascade de cacades. » Voici d'ailleurs un livre utile qu'il faut lire ou relire, surtout en cette période de complotisme, ne serait-ce que pour cette réplique de M. Smith : « Ne soyez pas dindons, embrassez plutôt le conspirateur. » (Du coup).









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4e de couverture






Dans la vie, on croit savoir ce que l'on dit. C'est même une revendication couramment exprimée : « je sais ce que je dis ! » lance la personne contrariée à son contradicteur. Et pourtant... La vie se charge de démontrer que notre parole est approximative et souvent déjouée par les faits, de manière cocasse et parfois dramatique.

Noëmie Diégèse se pique au jeu de débusquer les ambiguïtés possibles du langage, avec le talent et la finesse qu'on lui connaît. Ainsi, par exemple, « je vais vous laisser là » est un énoncé commun de qui raccompagne de la famille, des amis à mi-chemin. Cela ne signifie pas que ces amis, ces proches vont rester là et cela ne signifie pas non plus que l'énonciateur va disparaître à jamais. Parfois, cependant, un imprévu, un accident, va faire résonner ces paroles comme une prophétie, comme une voyance.

Ce recueil de nouvelles est une pépite. On rit beaucoup à sa lecture. On peut parfois y pleurer aussi, avant de repartir dans une autre aventure linguistique et spatio temporelle.
Un seul problème : on fait ensuite beaucoup plus attention à ce que l'on dit.










7 avril







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