Diégèse




jeudi 18 avril 2019



2019
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Concevoir l'éternité 108



Daniel Diégèse














Nous faisons cependant tous et toutes l'expérience de l'expérience de l'absence de temps quand nous rêvons. Il s'agit bien ici du temps chronologique, celui qui nous enchaîne à Chronos (Χρόνος) ou plutôt à un lien que la mythologie grecque avait déjà débusqué, ce lien qui, dans certaines traditions, unit Chronos et Ananké (Ἀνάγκη), la déesse qui personnifie la nécessité inaltérable. On se rappellera, ou bien au choix, on apprendra quand on ne veut pas paraître cuistre, que c'est de ce mot que Victor Hugo, dans une note ajoutée en 1832 à l'édition définitive, fait procéder son roman Notre Dame de Paris : « Ces majuscules grecques, noires de vétusté et assez profondément entaillées dans la pierre, je ne sais quels signes propres à la calligraphie gothique empreints dans leurs formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c'était une main du moyen-âge qui les avait écrites là... » Et Hugo de conclure cette note par : « c'est sur ce mot qu'on a fait ce livre. »

Ce qui nous intéresse ici, c'est le lien inaliénable que les Grecs ont tissé entre le temps qui passe et la nécessité et c'est sur ce lien que nous vivons toutes et tous au quotidien et c'est ce même lien, qu'en permanence, dans ce même quotidien, nous contestons, tentant même de l'abolir. Si nous admettons que ce qui est un instant ne peut pas ne pas avoir été, nous célébrons les noces de Χρόνος et de Ἀνάγκη. Quand nous trouvons injuste, déplorable, regrettable, intolérable qui ce qui est ait été, nous bataillons contre cette union.

Nous pouvons même poser comme hypothèse que la société humaine toute entière est fondée, non pas sur ce qui devrait être une donnée immédiate de la conscience : « cela est », mais sur l'infinité des modalités de l'être : « cela devrait, pourrait, aurait dû, aurait pu être. » Notre conscience est, face au temps, comme une main qui tremble. Elle se place un peu avant, quelques minutes ou quelques années qui feraient que ce qui est ne serait pas ou serait autre, ou bien encore, résignée, elle voudrait que ce qui est ait été inscrit depuis toute éternité et de nécessité devienne destinée. « C'était écrit » et, de là à croire que c'est une puissance divine qui a écrit ce quelque chose qui est, il n'y a qu'un pas que les humains, avec l'aide de religions, n'ont pas hésité à franchir.

Et pourtant, aussi terrible que cela puisse être à notre conscience, ce qui est n'était pas l'instant d'avant et que ce soit ou que ce ne soit plus, cela aura été pour l'éternité, c'est à dire jusqu'à l'abolition du temps, la mort de Χρόνος le déliant de Ἀνάγκη.

C'est ainsi que si l'on s'extrait par le rêve ou par l'hypnose de cette lutte incessante que nous menons contre ce lien qui nous paraît insupportable et contre lequel nous avons élaboré, par exemple, tout l'arsenal juridique des lois et des règlements, si l'on s'extrait, donc, de la nécessité de ce qui est, on s'extrait aussi de toute espèce de causalité et de logique et c'est alors le désir. C'est ce que Freud a découvert et c'est peut-être sa découverte la plus importante. En dénouant l'union entre le temps et la nécessité, le sujet se trouve face à la nécessité... de son propre désir.









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4e de couverture






Où en est-on de l'éternité ?
C'est la question complexe à laquelle s'attelle le poète et philosophe Daniel Diégèse. La question qu'il se pose et nous pose est simple en apparence. Alors que les recherches des physiciens sont au seuil d'un bouleversement fondamental de la conception du temps et de l'espace qui pourrait même revoir la théorie de la relativité générale, est-ce que cela va modifier ou modifie déjà la notion d'éternité ? Pour tenter d'y répondre, l'auteur, d'une manière toute héraclitéenne, va picorer des citations chez ses illustres prédécesseurs. Et ils viennent très sagement et gentiment tenter de nous éclairer. Kierkegaard nous dira que « rien n'est, après Dieu, aussi éternel que le moi », Nietzsche apportera ses « instants d'éternité » et le bon vieil Aristote présupposera l'éternité du temps et du mouvement. Spinoza, quant à lui, détachera la notion d'éternité de toute question de durée, aboutissant à la sentence célèbre : « Aucune durée n'appartient à Dieu. » Mais, et c'est plus original, l'auteur convoquera aussi les poètes et Rimbaud le voyant déclamera : « Elle est retrouvée / Quoi ? l'éternité. / C'est la mer allée / Avec le soleil. »
Loin d'une philosophie sentencieuse ou excessivement touffue de références et de glose, Daniel Diégèse renoue avec le lien ancestral et salutaire entre philosophie et poésie.










18 avril







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