Diégèse




mercredi 25 décembre 2019



2019
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La Panacée de l'ennui 359



Gustav Diégèse














Pour conclure, pour abolir notre ennui, ce qu'il faut extirper de nos vies, ce n'est ni le travail, ni le loisir, et ce qu'il faut privilégier, ce n'est ni telle ou telle forme de travail, ni telle ou telle forme de loisir. Il ne s'agit pas non plus de créer, comme si la création (artistique) était un remède universel à l'ennui. Il n'en est rien, à l'évidence. Créer peut être aussi ennuyeux que lire et aussi ennuyeux que d'aller au cinéma ou de visiter une exposition. L'ennui ne réside pas dans les conditions qui nous sont faites, ni dans celles que nous nous faisons. L'ennui est une ontologie et nous sommes entrés dans la civilisation de l'ennui dès lors que le sédentaire s'est fait nomade et que le nomade s'est sédentarisé et que l'un et l'autre, l'une et l'autre ont pensé que les les choses pouvaient en être autrement. Ils ont alors quitté l'être-au-monde. Car, s'ennuyer, c'est imaginer que l'on pourrait faire autre chose que ce que l'on fait, voire imaginer que l'on pourrait faire quelque chose quand on ne fait rien. Nos civilisations sont essentiellement des civilisations du faire allié au manque. Le manque est le combustible et le faire est la machine. Littéralement, nous faisons pour manquer et nous manquons quoi que nous fassions. Tout est organisé désormais sur la planète pour que fonctionne à plein régime cette turbine infernale qui est tout à la fois la cause et la conséquence de notre aliénation profonde, de notre aliénation première.

Alors, l'ennui serait-elle la peine d'une condamnation à la perpétuité de nos courtes vies ? Nous serions voué.e.s à errer dans ce monde en psalmodiant, telle Anna Karina dans le film de Godard Pierrot le fou : « Qu'est-ce que j'peux faire ? J'sais pas quoi faire. »

Pas sûr.


Car, ce qu'il faut extirper de nos vies, c'est la virtualité, cette forme qui, en français, s'exprime par le mode conditionnel, ou plutôt, comme l'affirment certains linguistes, le mode « soi-disant-conditionnel », car il n'est, morphologiquement, rien d'autre qu'un futur du passé, une sorte de mixte entre le futur et l'imparfait, ce qui pouvait, ce qui pourra, ce qui pourrait susciter un intérêt pour notre propos. Abolissons le conditionnel présent, et pire encore, le conditionnel passé, cette perversion du langage et de la pensée, et notre ennui peu à peu s'évanouira jusqu'à ce que nous ne sachions même plus ce que ce terme pouvait bien vouloir signifier. Vécues dans le présent, solidement ancrées sur un passé sans réminiscences, sur un passé émotionnellement désactivé, nos vies sont imperméables à l'ennui. C'est sans doute le projet des ordres contemplatifs et celui des mystiques. Ce n'est pas très éloigné de ce que propose la cure psychanalytique. L'aliénation de notre liberté de sujet par ce que nous nommons l'ennui est l'aliénation la plus forte de toutes et seul un effort dans l'ordre de l'esprit peut nous en débarrasser. Cet effort, il faut l'exercer en conscience et ne pas se tenir quitte parce que l'on a des activités artistiques et culturelles. Nous connaissons toutes et tous des gens fourrés au spectacle, dans les festivals, qui accueillent chez eux des bibliothèques entières et qui s'ennuient lamentablement.

Il ne faut parfois qu'un seul livre, et encore n'est-ce pas indispensable, pour annihiler cette plaie de l'ennui et devenir libre.









page 359










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4e de couverture






Il n'est plus à démontrer que nous sommes dans une société qui prend pour moteur principal le divertissement. Tout est divertissement, même les réponses à nos besoins les plus élémentaires et les plus triviaux. En conséquence, pour que le divertissement continue de croître, il faut que l'ennui demeure, sinon croisse, lui aussi. C'est donc sous l'angle de l'ennui que Gustav Diégèse aborde nos sociétés contemporaines, montrant comment les médias et la publicité ne cessent de proclamer « vous vous ennuyez ! »
Dans « la société de l'ennui », le divertissement n'est donc plus qu'un produit dérivé qui ne tente même pas de répondre à la mutation ontologique qu'est l'ennui lui-même. Il montre comment « ennui » et « divertissement », fonctionnent comme deux moteurs désormais découplés qui agissent sur des êtres qui, littéralement, « tournent à vide ».
Quelle serait donc la panacée ? Gustav Diégèse ne prétend pas l'avoir trouvée, encore moins la proposer sous forme de recette spirituelle ou idéologique. Sans doute pense-t-il que savoir déceler cette double entropie, qui est aussi une double anomie, peut suffire à trouver une voie qui permette de s'en extraire.










25 décembre







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