Diégèse




mardi 15 janvier 2019



2019
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Pour autant je suis la même personne ? 15



Gustav Diégèse














Sur cette photographie, j'ai dix ans. C'est l'été, la fin de l'année scolaire. C'est la Fête des écoles. Tous les enfants ont préparé des jeux et des chorégraphies pendant des semaines. Combien y a-t-il d'enfants rassemblés dans le stade de la ville. Dans mon souvenir, ils sont des milliers. Peut-être d'ailleurs sont-ils des milliers. C'est indécidable désormais sauf à engager de fastidieuses recherches. Admettons que les enfants dans le stade sont très nombreux. Tous les enfants portent un uniforme pour effectuer les mouvements synchronisés qu'on leur demande. C'est le début des années 1970. Dans beaucoup d'autres villes, on ne pratique plus ces manifestations qui semblent désormais politiquement suspectes. Mais, dans cette ville, on vit encore dans les années 1950, alors, on continue. On continue peut-être jusqu'à aujourd'hui. Je n'ai pas vérifié. Donc, il y a ces milliers d'enfants vêtus d'un uniforme et je suis l'un de ces enfants.
La presse locale  couvre l'événement. Il y a une femme reporter avec un appareil photo impressionnant. Elle me paraît très âgée. J'imagine qu'elle était journaliste pendant la guerre, qu'elle a survécu à la barbarie nazie, qu'elle a valeureusement documenté les actions des résistants du maquis. Je ne sais pas très bien de quel maquis. Je ne suis pas certain qu'il s'agissait bien de maquis pour les résistants qui agissaient en ville. Mais peu importe. Cette femme est pour moi grand-reporter de guerre. Ce qu'elle écrit et ce qu'elle photographie relève donc nécessairement de l'héroïsme.
Parmi ces milliers d'enfants, je suis celui qu'elle a photographié, brandissant un cerceau. Je suis celui qui était dans le journal local du lendemain à la page consacrée à la fête des écoles de la ville. Ma mère et mon père sont très fiers. Mon maître d'école a placardé l'article avec la photographie sur le mur de la classe. Je suis vaguement gêné. Ou bien, je fais semblant.
Pourquoi moi ?
Ce n'était évidemment pas un hasard. Je n'avais pourtant pas joué des coudes pour me trouver au bon endroit au bon moment, comme ces badauds qui se pressent, lors d'un direct, derrière les caméras de télévision, espérant voir le soir leur trombine au journal télévisé. Dès l'enfance, je n'aurais su me livrer à ce genre de facéties vulgaires. Je vais avouer ici ce que j'avais fait. Avant la cérémonie, j'étais allé la voir, la connaissant pour l'avoir déjà vue travailler lors de diverses cérémonies locales. Je lui avais parlé, l'interrogeant sur son métier et réalisant une sorte d'interview, ce qu'elle avait remarqué, me demandant alors ce que je voulais faire quand je serais grand. Je lui avais répondu que je voulais être journaliste comme elle. Cela l'avait fait rire. Ainsi, dans cette foule de milliers d'enfants, j'étais devenu celui qui serait journaliste, mais, en outre, journaliste comme elle. J'étais devenu l'enfant le plus proche, l'enfant identifié. Et c'est donc moi qu'elle avait photographié. Ce n'était pas très difficile. J'utiliserai dans ma vie de nombreuses fois le même stratagème, quand bien même il s'agirait ensuite de médias et de journalistes plus prestigieux.









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4e de couverture






La célébrité !
Gustav Diégèse a été célèbre, et même plutôt célèbre, avant que des circonstances de santé le contraignent à se retirer de la scène médiatique. De cet exil de la célébrité, il nous livre ce récit autobiographique à la forme interrogative.
On ne devient pas célèbre par hasard. Il faut y mettre une forme de folie particulière, affirme le narrateur après La Rochefoucauld qui affirmait : on trouve des moyens pour guérir de la folie, mais on n'en trouve point pour redresser un esprit de travers. Alors, autant qu'il lui est possible, Gustav Diégèse - dont on sait qu'il souffre d'amnésie - plonge dans les archives pour pister, sinon traquer, les stigmates de sa célébrité, de sa folie à travers des bouts de phrases de la curée médiatique, à travers des photographies qui le montrent à tous les âges, depuis ce temps de la première jeunesse où les yeux, d'un noir tendre, encore noyés d'adolescence, mettaient aussi de la douceur dans ce masque énergique, comme l'écrivait si bien Zola d'un de ses premiers personnages.

L'auteur nous livre ainsi une vanité douce qui invite à la méditation sur cette société qui accorde tant de place et tant de prix à toute forme de notoriété. Mais, nul doute, et c'est le comble, que ce livre va alimenter sa célébrité










15 janvier






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