Diégèse | |||||||||
samedi 19 janvier 2019 | 2019 | ||||||||
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Théophanie | 19 | ||||||||
Gustav Diégèse | |||||||||
Considérons
l'expérience du feu tricolore de signalisation. C'est
désormais une expérience quasiment universelle. Le rouge signifie une
interdiction de passer, le vert une autorisation, quand l'orange
indique, en France, le prochain passage au rouge, et, dans certains
pays, le passage au rouge ou au vert. On attend le vert pour passer. Le
piéton attend le rouge des véhicules pour passer, ou encore le petit
bonhomme vert qui le concerne spécifiquement. On attend l'orange, en
Angleterre, pour se préparer à passer ou à s'arrêter. L'attente dure
plus ou moins longtemps selon le réglage de la circulation. Un trajet
urbain va pouvoir multiplier et diversifier cette expérience de
l'attente du changement de couleur d'un panneau de signalisation. Que
se passe-t-il alors ? Qu'est-ce qui dure ? Le rouge et le vert.
L'orange ne dure pas. On ne fait pas l'expérience de la durée de
l'orange, qui dure pourtant. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas d'attente
de l'orange, sauf par quelque jeu pervers. Personne ne se dit : tiens,
je vais attendre l'orange. On pourrait dès lors tenter de poser un premier principe : il n'y a pas attente sans durée, et, tout autant, il n'y a pas durée sans attente. Cette expérience du feu tricolore est intéressante car elle ne lasse pas, dans la très grande majorité des cas, car l'attente n'est pas déçue, on attend quelque chose qui va advenir. On sait que cela va advenir et l'on attend quand même. On attend. Examinons maintenant la qualité de cette attente et la perception du temps qui passe pendant ce laps de temps. On constate que cette perception contredit le temps d'horloge puisque, à mesure que le temps passe, et l'on suppose qu'il passe de manière uniforme, pour celui ou celle qui attend, le temps ralentit. La seconde qui précède le passage au vert est ainsi, admettons-le, beaucoup plus longue que la première seconde qui succède au passage au rouge. Le contraste entre la durée de cette dernière seconde et le surgissement prévu mais imprévu du vert est une expérience que l'on pourrait qualifier d'épiphanique. |
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page 19 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
Si nous
connaissons
l'épiphanie, qui nous apporte la galette des rois, et, pour les plus
chanceux, la fève, nous sommes moins familiers de la théophanie, que
les Chrétiens orthodoxes fêtent chaque année le 19 janvier. En Russie,
les plus courageux se plongent entièrement dans l'eau glacée pour
rappeler et revivre le baptême de Jésus. Mais, le récit de Gustav Diégèse qui prend pour titre Théophanie, n'est ni un traité de théologie, ni un récit de voyage en Russie un hiver. Ce texte est la dissection patiente de ce qui se passe en nous quand on attend quelqu'un qui soudain apparaît. Voilà qui peut sembler bien banal et bien ténu pour un livre. Au contraire, ce qui est passionnant, c'est justement que chacune, chacun, a déjà fait cette expérience, et la fait parfois plusieurs fois par jour. Car, il ne s'agit pas pour l'auteur de se cantonner aux grandes attentes, celles de la mère, ou celles de l'être aimé. Ce qu'il tente de montrer, c'est que toutes les attentes, et tous les événements qui viennent rompre l'attente, se valent et que ce qui se révèle en nous à ce moment précis est bien mystérieux. Théophanie est donc un récit tout à la fois modeste et d'une ambition terrible. Un moment de pure poésie. |
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19 janvier | |||||||||
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