Diégèse




dimanche 14 juillet 2019



2019
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Seulement le bruit 195



Gustav Diégèse














Chaque année, tout le village et tous les spectateurs du feu d'artifice de Martin attendent avec impatience le bouquet final, et c'est ainsi dans toute la France. Depuis quelques années, comme beaucoup de ses collègues, Martin insère dans le programme un bouquet intermédiaire. Il sait que dans la foule, les enfants demanderont à leurs parents si « c'est le bouquet ». « Le bouquet »... l'analogie avec l'orgasme ne lui a pas échappé. C'est l'apothéose, c'est l'intensité maximale, mais c'est aussi la fin. Il ne reste plus qu'une odeur de poudre plus ou moins forte, un peu de fumée qui se dissipe rapidement. Il faut rejoindre le parking et la voiture. Depuis quelques années, c'est le moment où on allume les lampes torches des téléphones mobiles pour se retrouver dans le noir. Enfin, pour ceux qui ont encore « de la batterie », car certains spectateurs ont filmé en vidéo tout le feu d'artifice, et l'ont même parfois diffusé en direct sur les réseaux sociaux. Tout le monde est joyeux et triste à la fois. Ce sont les enfants qui touchent le plus Martin. Les adultes, après ce moment magique, reprennent vite le cours des choses. Il faut rentrer. Demain, on travaille. Les enfants sont en vacances, mais, surtout, pour eux, la fête n'est pas terminée. Elle est toujours là et elle ne s'arrêtera qu'avec le sommeil, qui, souvent, apparaîtra dès le retour en voiture. Il y a ceux, plus rares, qui repartent à pied. Il faut dire que le feu d'artifice n'est pas dans le village, mais qu'il est dans la campagne, bénéficiant d'une sorte d'amphithéâtre naturel qui permet aux spectateurs un certain confort. On loue des nattes à l'entrée pour que tout le monde puisse s'asseoir par terre. Le parking est dans les champs. Il ne faut pas qu'il pleuve. Une année, plusieurs voitures se sont embourbées. Heureusement, le propriétaire du champ est allé chercher son tracteur. Mais, cela gâche un peu la fête.

« Le bouquet »... Cette année, c'est un peu particulier. Martin voudrait lui donner un nom. Un prénom, plutôt. Il faut qu'il ose. Ce bouquet, ce serait une déclaration d'amour. Après tout, rien de mieux qu'un feu d'artifice pour déclarer sa flamme. Comment composer un bouquet pour sa belle ? Exactement comme un bouquet de fleur. Pour les roses, il faut un nombre impair. Il mettra cent-une fusées roses. Il lit sur un site spécialisé dans la livraison de fleurs coupées, que la tulipe est la fleur de la promesse, que le lilas signifierait l'attachement et que la violette signifierait un amour secret. Tout cela lui va très bien. C'est assez facile de le transcrire en langage de feu d'artifice. Ce qui serait bien, ce serait de pouvoir inscrire son prénom en lettres de feu dans le bouquet. Mais c'est un peu compliqué et il n'oserait jamais.

Ce soir-là, elle est arrivée au bras d'un autre. Martin n'a pas allumé le bouquet. Il pense que ce sera son dernier feu d'artifice.









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4e de couverture






Les enfants attendent Noël et comptent les jours. Certains attendent les vacances, et comptent aussi les jours. Il y a les prisonniers qui comptent les jours aussi, et parfois même les nuits. Martin, quant à lui, compte les jours jusqu'au quatorze juillet, le jour de la Fête nationale française. Il faut dire que, chaque année, ce jour est son « grand jour ». Il est responsable des festivités dans un gros bourg du centre de la Bretagne et rivalise chaque année avec les bourgs voisins. C'est à celui qui attirera le plus de visiteurs et organisera le plus beau bal et le plus beau feu d'artifice. Et pour organiser tout cela, Martin n'a pas son pareil. Alors, Martin compte les jours.
Gustav Diégèse nous conduit dans une France contemporaine qui déjoue les clichés. Martin, duquel on pourrait sourire, est en fait un artiste qui ose inventer, par exemple, un feu d'artifice dont on aurait seulement le bruit, ce qui est un geste artistique assez audacieux, on en conviendra, dans une petite commune rurale. Le succès sera cependant mitigé. C'est aussi la France éternelle des rivalités entre territoires voisins, des filles et des gars qui se rencontrent et des bals multicolores qui font danser toutes les générations.
Gustav Diégèse signe ici un roman qui réconcilie avec les flonflon et les pétards.










14 juillet







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