Diégèse




vendredi 14 juin 2019



2019
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Anamnésie 165



Noëmie Diégèse














Le téléphone mobile oublié d'Élise

Élise est dans le métro. Aujourd'hui, elle n'est pas pressée. Elle n'a aucun rendez-vous avant dix heures et son compte-temps, quand elle l'a consulté la veille au soir sur son téléphone, lui indiquait un crédit de quatre heures pour la seule semaine en cours. Elle peut donc arriver sans problème et en toute quiétude à 9h30. Le temps de s'installer, elle ira à cette réunion qui ne lui demande aucune préparation. Elle trouve qu'il y a beaucoup moins de monde dans le métro après 9 heures. Elle pourrait même s'asseoir, mais elle déteste s'asseoir dans le métro parisien, sur ces sièges en tissu dont elle n'ose même pas imaginer le bilan bactérien et viral. Elle est certaine qu'il y a des équipes de recherche qui travaillent sur le sujet. Elle va vérifier. Elle ouvre son sac pour y glisser la main et saisir son téléphone mobile. Elle n'a pas son téléphone. Le sac est fermé. On ne lui a donc pas volé son téléphone. Mais peut-elle en être certaine ? Dans tous les cas, elle ne peut pas rester toute la journée sans téléphone. Cela va être une source infinie de complications. Il faut qu'elle aille le rechercher. Elle qui était en avance sera donc en retard. Elle appellera pour dire... elle ne sait quoi. Elle ne peut pas appeler pour dire qu'elle avait oublié son téléphone et qu'elle a dû repartir chez elle pour le chercher, puisqu'elle a déjà utilisé cette excuse l'avant-veille, alors qu'elle n'avait pas oublié son téléphone, mais qu'elle était partie en retard. Il faudra donc qu'elle trouve une autre excuse. Ce n'est pas très malin d'avoir grillé une excuse qui aurait pu servir sans avoir à mentir. Elle n'a qu'à dire qu'elle est partie en retard. Sauf que cette réunion de 10 heures est très importante. Elle paraîtrait désinvolte. Elle ne s'en sortira jamais.

Rentrée chez elle, angoissée et en sueur, Élise trouvera son téléphone sur le guéridon de l'entrée, comme si elle l'avait posé là pour ne pas avoir à le chercher quand elle rentrerait le prendre après l'avoir oublié. Elle s'en saisit, appelle le bureau dit qu'elle sera en retard sans donner aucune explication. On ne lui en demande pas.

Mais, à quel moment a-t-elle oublié son téléphone ?

Élise ne craint pas vraiment de perdre son téléphone. Elle est assurée et effectue très régulièrement des sauvegardes qui lui permettraient, en cas de perte ou de vol, de retrouver ses données sur un téléphone neuf. En revanche, elle craint plus que tout d'oublier ses clés, de claquer la porte et de s'apercevoir qu'elle s'est « enfermée dehors ». Ce ne serait pas très grave non plus, puisqu'elle laisse des clés au bureau et que celui-ci est accessible 24 heures sur 24. Mais, ce qui la terrifie, c'est l'expression « enfermée dehors ». Elle se souvient que petite fille, elle avait vu sa mère en panique après qu'elle s'était « enfermée dehors », avec sur le feu une cocotte-minute dont la soupape tournait à vive allure. Le temps d'appeler son père et que celui-ci arrive, on n'entendait plus la soupape et une odeur de plat carbonisé commençait à envahir la cage d'escalier de l'immeuble. Son père était arrivé à temps. La cocotte et le ragout était perdus mais la cuisine n'était pas en flammes. Élise vérifie donc toujours qu'elle a bien ses clés avant d'ouvrir la porte pour sortir. C'est ce faisant qu'elle a posé son téléphone sur le guéridon. Mais alors ? Lui vient alors à l'esprit qu'elle a posé son téléphone sur le guéridon pour appeler son père si elle oubliait ses clés. Mais cette idée est absurde. D'abord, elle est illogique et son père tout autant que sa mère son morts depuis plusieurs années. Elle ne peut donc pas appeler son père. Ainsi, puisqu'elle ne peut pas l'appeler si elle avait oublié ses clés, elle a oublié son téléphone.

Il suffisait d'y penser.









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4e de couverture






Non ! ce n'est pas une coquille et vous n'avez pas mal lu. « Anamnésie » est une sorte de mot valise construit tout à la fois par aphérèse et syncope à partir de deux mots : « amnésie » et « anamnèse ». Et c'est aussi le titre de ce roman de Noëmie Diégèse.
« Amnésie » est un terme très connu qui signifie : « perte de la mémoire ». « Anamnèse » paraît plus savant, est souvent utilisé en médecine et signifie « souvenir », ou plutôt l'acte de faire remonter les souvenirs, comme le mot grec dont il est issu : « ἀνάμνησις ». Alors, que serait une « anamnésie » ?
Élise a des troubles de mémoire. Ou elle croit en avoir. Ou elle craint d'en avoir. C'est la même chose ou presque. Mais comment savoir ? Aidée par des amis, puis par un médecin, mais aussi par des magnétiseurs, des chamans, des voyants et des voyantes, elle va essayer de se souvenir des moments où elle s'est rendu compte qu'elle avait oublié. Et c'est fou tout ce qu'on oublie dans la vie. Très vite, ce travail de mémoire particulier, d'angoissant devient cocasse. Et le lecteur sourit, et même rit parfois franchement, se reconnaissant dans tous ces oublis bénins ou parfois embarrassants. Le jeu devient amusant, l'angoisse s'évanouit et les souvenirs reviennent.
Il s'agit bien sûr d'une fiction, qui ne prétend en rien devenir un manuel pratique contre l'oubli. Mais on a parfois envie d'y croire, tant on s'amuse à cette lecture... jusqu'à en oublier les heures qui passent.










14 juin







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