Diégèse




vendredi 24 mai 2019



2019
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Les grands pylônes électriques 144



Daniel Diégèse














En arrivant à Vémars depuis Villeron, juste après être passé au-dessus de l'autoroute du nord, on oblique vers la droite pour suivre le chemin de Saint-Germain et bénéficier de l'alignement des grands pylônes électriques qui rejoignent l'aéroport.

C'est aussi plus rapide pour rejoindre la mairie, demeure bourgeoise construite de briques qui porte le nom certes un peu prétentieux de « Château de la Motte ». Elle a été construite par le grand-père de Jeanne Lafon, l'épouse de François Mauriac. On apprend alors que l'écrivain, que l'on croyait dormant près de Malagar dans sa Gironde natale, repose au cimetière de Vémars aux côtés de sa femme. Mais, le musée consacré à Mauriac est fermé le dimanche.

C'est alors que l'on remarque le curieux blason de la ville : « d'or à la fasce d'azur, chargée d'une fleur de lis d'or et accompagnée en chef de deux roses de gueules et en pointe d'une tête de Maure de sable liée d'argent ». On se demande si Vémars est jumelée avec la Corse avant d'apprendre qu'il s'agit-là des armes de la famille de Sainctot dont on n'a jamais entendu parler. On cherche. Les Sainctot étaient maîtres de cérémonie à la Cour de France. L'un d'entre-eux, Nicolas, mort en 1713 a laissé des mémoires qui détaillent le cérémonial de la cour.

Mais cela n'explique pas cette tête de maure.

Les Sainctot à Paris habitaient quai de Béthune, dans leur hôtel particulier construit par Louis Le Vau qui y créa pour la première fois un passage-vestibule. Pourtant, une veuve Sainctot logeait faubourg Saint-Germain et vers 1635, le petit Blaise Pascal jouait avec Anne et Catherine de Sainctot, pendant que leur mère, veuve, tenait un salon littéraire assez couru non loin de l'hôtel de Condé.

Et cela n'explique toujours en rien cette tête de maure.

La famille a été anoblie par lettre patente du roi Henri IV en 1603, à moins que ce ne fût en 1583, mais, dans tous les cas, longtemps après les dernières croisades.

Assis à la terrasse du café de la place de l'église, on continue de chercher et l'on apprend des histoires complexes d'héritage en 1663 à la défaveur des filles.

Mais cela n'explique toujours pas la tête de maure.

On se perd alors dans les arbres généalogiques et si l'on s'amuse d'apprendre que la petite fille de Nicolas Sainctot, fille de Nicolas Sainctot, mousquetaire du roi, avait épousé Jean Maurice de la Tour d'Auvergne d'Apchier, baron de Thoras, père de Nicolas François Julie, comte de la Tour d'Auvergne d'Apchier, dit duc de Bouillon, on n'avance pas d'un pouce dans l'explication de l'origine du blason de cette famille de la vieille France, accumulant les charges et les privilèges dans le sillage de la famille royale.

Mais déjà, le jour baisse et il faut trouver à se loger pour repartir le lendemain. On aurait pu rejoindre Senlis si l'on ne s'était pas perdu dans ces histoires de blasons nobiliaires. La ville et sa cathédrale ne sont qu'à dix-sept kilomètres. Il faudra se rabattre, non sans inquiétude, sur un de ces hôtels de Saint-Witz situés le long de l'autoroute, à mi-chemin entre l'aéroport et le Parc Astérix. On s'y endormira rêveur sur ces terres des Filles du feu sans avoir rien appris ou presque de monnayable, satisfait cependant de cette oisiveté contemporaine.









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4e de couverture





Daniel Diégèse est un écrivain qui s'attache aux petites choses, au presque rien. C'est un écrivain de l'interstitiel. Ce petit récit est celui d'une performance littéraire réalisée au printemps. L'auteur a décidé de marcher depuis Paris jusqu'aux grands pylônes électriques qui se dressent sur les dernières terres agricoles du nord de la région parisienne, cette ancienne « Plaine de France » sur laquelle ont été construits deux aéroports, des zones commerciales, de fret et de transit. Peut-on encore aller à pied de Paris jusqu'à là-bas, ce si proche, mais si lointain parmi les entrelacs d'autoroutes, de voies ferrées et d'impasses arborées par des urbanistes fous. Et pourtant, Daniel Diégèse sait déceler la poésie dans ce fatras urbain. Il y rencontre des êtres magiques et des paysages étrangement beaux. On a envie de prendre son sac à dos et de suivre ses traces, ou d'inventer un autre voyage qui lui ressemblerait et rejoindre des signaux urbains qui n'en sont pas, et qui, par le pouvoir de l'écriture, le deviendront ensuite à jamais. Voici un livre qui a le goût de ce « pas grand-chose » qui est le goût de la vie.










24 mai







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