Diégèse | |||||||||
lundi 4 mars 2019 | 2019 | ||||||||
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À la fois | 63 | ||||||||
Gustav Diégèse | |||||||||
Disons-le
d'emblée, l'usage dans un discours politique de la locution « en
même temps » relève davantage de la prestidigitation sémantique
que
de la philosophie, fût-elle celle de Paul Ricœur. En effet, cette
locution peut être utilisée pour signifier la simultanéité de deux ou
de plusieurs faits, par exemple dans la phrase : ils sont arrivés
en même temps. Mais, sont-ils arrivés
en même temps par hasard ou volontairement ? Seul le contexte de
l'énonciation pourrait nous éclairer, mais, il nous éclairerait surtout
sur l'intention du locuteur de cet énoncé. Les linguistes ont
amplement démontré qu'il n'y avait pas ou presque d'énoncé strictement
descriptif
dans le langage, sinon dans des contextes très particuliers qui
relèvent le plus souvent de la loi. Pour démontrer cela, on prend
souvent comme exemple un locuteur qui dirait : « la fenêtre
est ouverte ». Il y a peu de chance, même dans un rapport de
police, que cela signifie seulement
que la fenêtre est ouverte et voudra signifier tout autre chose que ce
qui est littéralement énoncé. Cet énoncé pourra donc tout aussi bien
signifier qu'il fait chaud ; qu'il
fait froid ; qu'il faut fermer cette fenêtre ou au contraire la
maintenir ouverte ; que cela
représente un danger, etc. Ainsi, cet « en même temps » qui
se voudrait
uniquement marqueur de la simultanéité est déjà, comme d'ailleurs tout
énoncé,
porteur d'affects, de jugements, d'une morale. Si j'affirme :
« je joue
et je travaille en même temps », peut-être vais-je entamer une
réflexion sur le jeu, sur le travail, sur le lien qu'ils entretiennent
dans les processus cognitifs... mais il y a peu de chance que je
souhaite informer qui que ce soit de ce que je suis en train de faire.
Bref, « en même temps » ne signifiera jamais seulement la simultanéité de deux
faits. Mais, à cela, vient s'ajouter un autre usage de la locution « en même temps » qui, surtout oralement, ou dans des manifestations écrites d'un discours oral, par exemple sur les réseaux sociaux, tend à signifier une hésitation sinon un doute. « J'ai choisi une glace à la vanille, en même temps celle au chocolat me faisait envie. » Je choisis à dessein cet exemple un brin enfantin sinon régressif parce qu'il renvoie au désir et au plaisir. En effet, alors que l'expression désormais fameuse est supposée être appelée pour tenter d'exprimer la complexité du monde, et, singulièrement, du monde contemporain pour ce en quoi il serait source de ruptures et de faits inédits, elle n'en impose pas moins au langage une hésitation qui est bien celle de l'affect et du désir. Ainsi, du seul point de vue d'une théorie de l'énonciation, cet « en même temps » peut difficilement être l'outil linguistique de l'expression de la nuance. Un discours nuancé embrasse un objet, un fait ou une situation dans une simultanéité, certes factice, pour en décrire les multiples aspects. Le discours de la nuance n'est pas un discours de l'hésitation ni celui d'un trouble du désir. C'est celui de l'objectivation qui tend justement à vouloir extraire du discours tout affect. C'est le discours de l'huissier, du médecin légiste qui saisit le monde dans une fixité morbide et s'autorise au mieux l'expression « au même endroit », mais rarement « en même temps. » D'ailleurs, là où l'enquêteur rencontrera ce qui lui apparaîtra comme une scène du « en même temps », il n'aura de cesse de démonter cet « en même temps » comme étant nécessairement factice et masquant une causalité. Reste à déterminer de quel trouble du désir rend compte un personnage public s'exprimant publiquement quand il utilise l'expression « en même temps. » Ce sera l'objet du prochain chapitre. |
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page 63 | |||||||||
Toute la collection | 4e de couverture | ||||||||
La campagne
présidentielle
a mis en lumière une notion philosophique retorse sous son allure
anodine, contenue dans une locution qui revenait comme un refrain dans
les discours du futur président de la République française : en même temps.
Cette popularité un peu suspecte a donné envie à Gustav Diégèse,
philosophe littéraire et poète, d'aller y regarder plus précisément...
Ce qu'il a trouvé est assez amusant. Cet en même temps attribué à la figure tutélaire de Paul Ricœur serait, le plus souvent, moins un en même temps qu'un à la fois. L'écart entre les deux notions, qui à première vue pouvait sembler ténu, se révèle abyssal. Et, dans cet écart-là, Gustav Diégèse enfourne allègrement toute la morale et toute l'esthétique. Voilà un petit livre nerveux et sec, que l'on pourrait conseiller à celles et ceux qui nous gouvernent, qui pourraient tomber aisément dans les pièges d'une approximation philosophique qui se révélerait coupable. Car, dans le dialogue entre cet à la fois et cet en même temps, se situe aussi la politique et autrui. En bref, tout peut être en même temps et à la fois, si je suis seul, mais, c'est l'autre qui complique la donne. Lisez ce livre. Il vous fera sourire et vous enthousiasmera peut-être. Et n'oubliez surtout pas de le conseiller... à autrui. |
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4 mars |
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