Diégèse




mercredi 23 octobre 2019



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Souvenirs honteux 296



Daniel Diégèse




« La voix » est revenue. Il semblerait donc que l'affection soit contagieuse. Après son audition à l'Assemblée par la Commission des finances, Arnaud a constaté que le trouble qui l'affectait depuis des semaines s'était propagé à la salle. La situation n'était certes pas banale : un grand patron, reconnu âpre aux affaires et âpre au gain, venant expliquer que la recherche du profit au détriment des plus démunis était un mauvais calcul sociétal, un mauvais calcul économique, autant qu'une dérive morale. Pourtant, il n'avait évidemment pas évoqué cette voix. En parler aurait décrédibilisé son nouveau combat pour plus de justice sociale et une meilleure redistribution des richesses.

Le premier à craquer aura été un député de la droite conservatrice catholique, un de ceux qui vote contre tous les nouveaux droits accordés aux couples et aux familles et qui pense que la justice et l'éthique se trouvent du côté de La Manif pour tous. En son for intérieur, il considère même que le Pape est un dangereux gauchiste. Pour lui, « la voix » a pris le ton et la tessiture de la voix de la dame catéchiste de son enfance. Il a, dans un premier temps, rejeté sans encombre la question qui lui était posée. Oui, il était fier de lui-même. Il était député depuis longtemps. Il avait même préféré laisser « sa mairie » à l'un de ses adjoints pour rester député. Il faut avouer qu'il aime la vie de député, la buvette de l'Assemblée et le restaurant chez Françoise à côté, où l'on mange si bien en reconnaissant de table en table des célébrités avérées ou relatives du monde politico-technico-médiatique. Son héros et son fantasme, c'est un polémiste raciste qui fait régulièrement la une des journaux et qu'on voit à la télé. Il rêve de le faire venir dans sa circonscription, ce qui flatterait la partie la plus à droite de son électorat draguée en permanence par son rival d'extrême droite. Malheureusement, il est trop cher. Il faudrait donc qu'il accepte de passer à l'occasion de la signatures d'un de ses livres, car on peut aussi appeler un livre un monceau d'immondices. Il n'a donc pas fait attention plus que ça à « la voix ». Le catéchisme de l'enfance, se disait-il, c'est pour les enfants. Certes, il était catholique, mais tous les propos des évangiles sur la pauvreté, le partage, le pardon, l'amour pour tous et pour chacun, tout cela, n'était pas pour lui depuis des dizaines d'années. On pouvait, il est vrai, se demander ce qu'il gardait du catholicisme et du message du Christ, mais il avait pris le parti, à la messe, de ne jamais écouter le prêtre, qui, de toute façon, il y avait veillé personnellement, n'était pas un de ces prêtres gauchistes qui aident les migrants. Mais « la voix » était là et elle insistait, un peu comme l'œil dans la tombe de Caïn dans ce poème de Victor Hugo qu'on lui avait fait apprendre. Ce soir-là, c'était un soir de tempête. Ce vent terrible, le Mistral, faisait siffler les pins et les cyprès autour de sa maison. Il venait de valider une intervention qu'il devait faire le lendemain pour limiter encore le regroupement familial. Il a fermé les yeux. Au début, ce n'était rien, ou presque, à peine une ombre lointaine. Puis, l'image est devenue plus nette. C'était un couple, dans le vent, avec un petit garçon de quelques années. Enfin, il les a reconnus. Alors, la même voix lui a dit : « Toi, tu les aurais renvoyés en Égypte. » Au début, il n'a pas remarqué que ses joues étaient mouillées. Puis, il n'a plus pu ignorer qu'il pleurait.










page 296










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4e de couverture






« Tu es fier de toi ? » La phrase a retenti dans la salle luxueuse du conseil d'administration, faisant souffler comme un vent de panique sur les dossiers sagement disposés sur les tables. Même les tablettes numériques ont failli être emportées. Arnaud de Capistran a légèrement baissé la tête. Il ne comprenait pas d'où pouvait bien venir cette voix qui lui était pourtant familière. Mais il devait répondre, et, en effet, il n'était pas très fier de lui. Il pouvait tourner et retourner les justifications qu'il avait apportées à sa décision, depuis qu'il avait entendu cette voix impérieuse et simple, celles-ci lui paraissaient dérisoires.
Daniel Diégèse signe un roman étrange. Que seraient nos vies si l'introspection était rendue publique ? « On ne sait pas, on n'est pas dans sa tête ! », entend-on parfois. Et si, soudainement, on était dans la tête de celle ou de celui qui décide pour nous, qui va juger, accepter ou refuser...
Mais, Daniel Diégèse va plus loin en construisant une intrigue échevelée qui conduit ses lecteurs du CAC 40 aux ors de la République en passant par les tribunaux et l'Assemblée nationale.
Prévoyez de lire ce roman d'une traite, car, une fois commencé, vous ne pourrez plus vous en détacher.










23 octobre






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