Noté à Lattaquié : roman

C'était en 1947, j'étais à Beyrouth. Je descendais alors à l'hôtel Saint-Georges, au bord de mer. C'était un endroit des plus chics et des plus agréables, dernière halte des riches étrangers en attente d'un bateau qui les emmènerait du port tout proche. Le Saint-Georges a été détruit plus tard par les tout premiers combats de la guerre civile qui a dévasté notre pauvre Liban.
Alors que j'entrais pour dîner dans la salle de restaurant, je fus très surpris de me heurter presque à ce fameux major des forces britanniques de Lattaquié, en grand uniforme. 

Certes, Beyrouth était alors bondée de soldats français  et anglais en partance pour leur pays réciproque. Nous avions enfin obtenu d'être débarrassés du Mandat français, c'était le "jelaa", l'évacuation, que nous fêtons encore aujourd'hui chaque année. Les lycéens et les étudiants brûlaient les livres français sur les places publiques. L'heure était à la fête et à l'espoir. Mieux encore, les Français emportaient les troupes anglaises dans leurs bagages, et notre Major nous quittait donc définitivement. Nous avons dîné ensemble ce soir là, devisant très agréablement des récents événements politiques, nous inquiétant mutuellement, pour l'avenir de la région, des implantations sionistes en Palestine, nous livrant à de savantes conjectures sans oser cependant imaginer tous les malheurs qui s'abattraient ensuite sur cette terre, sans oser croire surtout, que la salle où nous dînions, si calme, si raffinée, serait le théâtre d'atrocités indicibles. L'Europe de l'après-guerre était en ruine, personne ne pensait alors que notre jeune nationalisme romantique et fervent pourrait aussi se gangrener. A la fin du repas, alors que nous allions sortir et que le Major finissait le cigare sans lequel un Anglais, de surcroît militaire, penserait manquer de respect à son image, comprenant qu'il m'était donné là l'unique chance de résoudre enfin les mystères qui étaient attachés à mon compagnon, je me risquai à lui demander, sans lui révéler les sources de mon information, à quelle religion il appartenait, qui le menait prier chaque jour dans une grotte du bord de mer. Le Major sans se formaliser d'aucune manière m'entraîna dans une longue promenade sur la corniche beyrouthine et notre conversation dura presque jusqu'au jour. Voici ce qu'il me raconta cette nuit là : La suite du récit
La suite du récit de Michaël Riskallah
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