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J'ai
loué une voiture
pour rejoindre rapidement la nuit milanaise. L'enquête était
un prétexte. Je
voulais
m'entourer de fumée et d'alcool et oublier l'âge, les mots,
le cliquetis du clavier de l'ordinateur, la confusion des phrases. Dans
la foule qui danse, une femme me fixe puis m'aborde, me demande mon
nom,
me donne le sien, un diminutif. Je lui dis que nous ne nous connaissons
pas. Le visage se ferme, se fait encore un peu plus agressif et elle
m'enjoint
de « faire attention aux gens que je rencontre ». J'ai quitté
rapidement la discothèque, sans même me livrer à la
pitrerie de sortir devant des serveurs embués la photo de Mathieu
Talence et passer encore une fois pour un amant déçu, un
fugitif après un fugitif. Je
ne sais pas qui m'a envoyé la pythie et ce qu'il faut faire de sa
mise en garde. C'est le dernier jour à Bellagio et ni le texte
ni l'énigme de
Mathieu, nouée à mon énigme
personnelle, n'ont avancé et sa recherche poursuit
ton oubli
et pourtant, je
dois faire attention, sans doute, attention à ne pas t'oublier,
ou à t'oublier. Je
rassemble sans grande patience toutes les
paperolles griffonnées pendant ce séjour, je scrute la chambre
comme si je n'oubliais rien, ce
soupçon de rêve quand je suis arrivé. Dans
l'après-midi qui s'étire, je travaille et j'oublie même
de penser à toi. Il faudra l'insistance du texte et du calendrier
pour me ramener à tes cils et à ta nuque qui pourrait trembler
entre mes mains si l'entêtement n'avait pas pris le pas sur ton amour.
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