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Je
dois partir, quitter la frontière. Je
prends mes habitudes, je compte les voitures,
ne regardant même
plus les visages et marquer
ainsi le temps qui passe marque mon immobilité. Hier,
une famille un peu chic, habillée comme pour aller en Italie, abusant
de lin blanc pour la femme, hors de saison, parlait avec le bonheur
d'être
riche, de toutes ces choses que l'on évoque dans les voitures avec
des sièges en cuir et j'ai
entendu : « une vie est toujours ratée ». J'hésite à
passer la frontière qui m'éloigne de toi et le souvenir de
tes yeux italiens sera sans doute différent. Il disparaîtra
peut-être ou deviendra plus sombre. Non. Je n'imagine même
plus ta voix et notre
conversation amoureuse, toute intérieure, s'éteint
aussi faute de munitions. Le
soir, je tente de ramener sur moi un peu de souvenirs, des
couvertures
trop fines, sans broderies, j'essaie de m'animer à ton souvenir,
ton corps, le souvenir, mais je
n'ai plus assez d'adrénaline pour toi. |