Mais
aussi, je suis encore, moi, le même qui imagine ; car, quand
bien même, peut-être, comme j'ai supposé, absolument
aucune chose imaginée ne serait véritable, toutefois
la puissance même d'imaginer existe effectivement et fait partie
de ma pensée. Je
suis enfin, moi, le même qui sens, c'est
à dire qui aperçois des choses corporelles comme par l'entremise
des sens : par exemple, maintenant, je vois de la lumière, j'entends
du bruit, je sens de la chaleur. Ces choses sont fausses
puisque je dors
! Malgré tout il me semble voir, il me semble entendre, il me semble
avoir chaud, cela ne peut pas être faux ; cela est, au sens propre,
ce qui en moi s'appelle sentir ; et cela, considéré dans
ses limites précises, n'est rien d'autre que penser. |
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Ainsi,
ce que l'on prend pour réalité est vraiment trop incertain
mais la sensation de cette réalité incertaine est, elle,
bien certaine. Alors, nous sommes tous deux d'accord et il n'y a
rien
d'autre
à faire que s'attacher à la sensation des choses
et des gens, plus certaine et plus sûre que ce que l'on veut nous
faire croire pour réel.
La
tour Eiffel rouge n'est qu'une sensation de rouge dans la tête, du
velours
et du sang, un peu de lumière qui suinte d'un minaret décoré
et tout à la fois. Le faisceau blanc qui apparaît et disparaît
est une sensation de phare avec le bruit des vagues un
soir de
printemps
froid dans une station balnéaire bretonne dont j'ai oublié
le nom. Une galette salée. Une larme. |