Mais quand je fais peu
après
retour sur moi, j'expérimente que je suis pourtant exposé
à d'innombrables erreurs, et lorsque j'en cherche la cause, je
remarque
que s'offrent à moi non seulement l'idée, réelle et
positive de Dieu, c'est-à-dire d'un être suprêmement
parfait, mais aussi, si l'on peut dire, une sorte d'idée négative
du néant, c'est-à-dire de ce qui est suprêmement éloigné
de toute perfection, et que moi, je
suis comme quelque chose d'intermédiaire entre Dieu et le néant,
c'est-à-dire entre le souverain être et le non-être,
constitué de telle sorte que, en tant que j'ai été
créé par l'être souverain, il n'y a sans doute rien
en moi qui me fasse me tromper ou m'induise en erreur, mais que, en
tant que je participe aussi en quelque manière du néant ou
du non-être, autrement dit en tant que je ne suis pas moi-même
le souverain être et que presque tout me fait défaut, il n'est
pas tellement étonnant que je me trompe. |
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Si
seulement
il était possible d'atteindre le mi-chemin entre l'être et
le non-être et ne pas rester indéfiniment tout au bas de la
courbe impossible de la perfection et de l'éternité, si seulement
dans les moments difficiles, qui sont toujours des moments de
conscience,
une seule parcelle de la joie de Dieu, à coup sûr, comme un
malade peut porter dans la poche le médicament qui le calme, une
seule parcelle infinitésimale de la joie de Dieu pouvait entrer
en nous, à la demande, au besoin, si seulement la création
entière n'était pas plongée dans l'angoisse ou l'oubli
de soi, de la vie, de ce
temps compté qui nous prend, si seulement... Alors, je pourrais penser
une seconde que je ne me trompe pas, avec
l'obstination
d'un enfant entêté, refusant de jouer et de se divertir, refusant
même de se nourrir, implacable dans son ressentiment d'être
là, infiniment là sans que cela n'ait aucun sens. Et je continue
à repasser des souvenirs, vieux films émollients. |