août 2008 |
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vers
le mois
de septembre 2008 |
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1 |
Gustav |
Moi, j'ai
encore chaud du soleil avalé le long des plages, au bout des landes
et des chemins. Et encore, on
ne tient pas compte de la réfraction atmosphérique. |
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Mathieu |
Je
me souviendrai de la couleur de l'eau. |
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D. |
Je
ne sais pas quelles seront les couleurs nouvelles de Paris,
puisque nous sommes rentrés à Paris. |
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Noëmie |
Je me souviens
de deux
ou trois paysages qui s'évanouissent. |
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Gustav |
Je ne me
souviens plus de
mon texte. Je ne me souviens d'aucun texte et je
ne suis rien sans texte. |
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D. |
Toujours
la même histoire. Il n'y a pas de texte dont tu devrais te
souvenir,
dont tu pourrais te souvenir. |
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Noëmie |
C'est vrai et il
est évident que tout ce qui est vrai est quelque chose. Il y
aurait donc, cependant, un texte. |
2 |
Mathieu |
Un texte. Il y
aurait un
texte qui ferait une chanson. |
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Noëmie |
Puisque nous
sommes à
Paris, puisque nous sommes de retour à Paris, faisons et chantons
une chanson sur Paris. Nous pourrions faire une chanson sur Madrid,
mais Madrid
rend triste, dans la chanson. |
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D. |
Faisons une
chanson fleuve. Paris
mérite une chanson fleuve, la ville Seine mérite bien, vaut
bien une chanson fleuve. |
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Gustav |
Je pourrais
chanter tout
de que de Paris, j'ai oublié. Par exemple, je
ne sais plus pourquoi les mouettes crient au dessus des toits de Paris,
le soir. Je vais
au
Palais royal sauter sur les colonnes de Buren et aider les mères
à pousser les poussettes au dessus des grilles fontaine. Mais
je ne sais pas pourquoi je fais cela. Est-ce que c'est suffisant pour
amorcer
une chanson ? |
|
Mathieu |
Nous pourrions
imaginer
une chanson sur les départs et les arrivées, les retours,
les retours à Paris, les départs de Paris. Le
départ approche et mon visage s'estompe. Ça peut se chanter. |
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Noëmie |
Il y aurait une
certaine fraîcheur.
Ce serait une chanson moderne. |
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D. |
Il faut veiller
à
ne pas privatiser
la modernité. comme tu as auparavant privatisé
Descartes. |
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Noëmie |
Descartes
ne s'amuse pas, lui. |
3 |
D. |
Je ne m'amuse
pas non plus
à faire
revenir des mots sur les souvenirs, sur vos souvenirs. J'espère
qu'il sera temps, dans
l'hiver,
pendant l'hiver, de reprendre, de repriser, de textualiser ce qui
peut-être,
pourtant, ne pourra jamais être autrement textualisé que sous
la forme avec laquelle cela s'écrit, aujourd'hui. Je ne sais
pas encore. |
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Gustav |
J'ai
marché jusqu'au soir. Je ne me souviens de rien. J'étais
en état d'éclipse. |
|
Mathieu |
Je suis allé
nager
pour retrouver
dans l'eau l'impression du rêve de la nuit. |
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Noëmie |
Les souvenirs
des rêves
disent parfois des vérités inattendues et j'ai
tenu pour plus certaines que toute autre les vérités de ce
genre. |
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D. |
Ce sont les
rêves
qui me fournissent parfois des phrases entières. Les phrases sont
parfois des
marchandises comme les autres. Pour aller faire mes courses dans
les
rêves, je me
prépare à la nuit. |
4 |
Mathieu |
Les rêves, puis
le
souvenir des rêves font tout
une archéologie douceâtre de souvenirs qui nous conduit
parfois au bord même
d'une asphyxie esthétique. |
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Noëmie |
Me souvenir de
mes rêves,
c'est la dernière preuve que je
peux tirer de ma pensée l'idée de quelque chose. |
|
Gustav |
On se réveille
et on
ne sait déjà plus grand chose de la production onirique.
Il faudra bien que les rêves reviennent. Il
s'agira bien de les y obliger. Je ne peux pas attendre l'année
prochaine. L'année
prochaine, j'aurai d'autres craintes. |
|
D. |
Il
n'y a aucune crainte à avoir. L'obscurité
n'ira pas au delà. |
|
Mathieu |
Je lie
l'angoisse et le
temps qui passe et cela fournit les craintes. Mais
je sais que ce genre de
lien est interdit, n'est pas correct. |
5 |
Noëmie |
J'ai beaucoup
réfléchi
à l'angoisse et je crois avoir trouvé une chose ou deux. Quand
bien même tout ce que j'ai médité ces jours derniers
ne serait pas vrai, cela change la
vie. |
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Mathieu |
Je
n'arrive plus à méditer sur l'angoisse quand je suis
à Paris. J'ai
retrouvé vite les habitudes parisiennes. Je
me fais aussi disponible que la ville. Tout va très vite. La
semaine à peine commencée est
déjà terminée. |
|
D. |
Paris et
l'angoisse ne doivent
pas nous faire oublier que nous avons une chanson à écrire.
Puis nous la chanterons. |
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Gustav |
Ce
sont les trucs des stars.
Quelle chanson devons-nous écrire ? Une chanson originale ? Une
chanson originale, une chanson d'une grande originalité, avec de
l'amour, avec du temps qui passe et qui ne revient plus, qui ne revient
pas, qui ne reviendra pas, tralala, tralala... |
|
D. |
Ce doit être à
peu près cela. |
6 |
Gustav |
Pour
autant, comment choisir la chanson, son thème et son air. Nous
sommes déjà venus ici mais nous
n'avions pas chanté. |
|
Mathieu |
Nous pourrions,
sans même
chanter, imaginer un
tintamarre joyeux et inquiétant. Nous partirions comme
en exploration dans les rues voilées par les souvenirs avec le
bagage linguistique de la journée. |
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Noëmie |
Cela
n'est pas tout à fait transparent. Nos promenades ne ressemblent
jamais à des chansons. Elles sont plutôt comme
une irritation définitive. |
|
D. |
Je
ne suis pas irrité mais
je ne cherche pas à faire correspondre mes tendresses avec la vérité
du monde. |
7 |
Noëmie |
La vérité
du monde n'est jamais qu'une
démonstration personnelle. Nous
faisons durer le temps, juste
pour avancer. |
|
Mathieu |
Nous faisons
durer le temps
parce que ce
sont les vacances. La ville calmée laisse entrevoir l'espoir
d'une complète sédentarité. |
|
Gustav |
La
ville se repent aussi
de tout ce désoeuvrement
de solitude. |
|
D. |
Et
puis rien ne bouge. |
8 |
Gustav |
Tu as raison.
Rien ne bouge.
Nous parvenons juste à faire quelques
pas harassés sur le trottoir en face de la maison et à
manipuler sans cesse l'idée
de montagne, l'idée de vallée. |
|
Mathieu |
Moi je
joue à la province. comme dans l'enfance, on joue au prince
et à la princesse. Je cherche dans des restaurants et des cafés
qui me donnent le goût d'Angoulême ou de Guéret. |
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Noëmie |
Je
ne suis donc plus
certaine
que
ce non voyage
soit insensé. Nous sommes à Paris et c'est pourtant un
voyage. Parfois même, au détour d'une rue, il est possible
de croiser un ange, un
ange, vraiment. |
|
D. |
Nos
promenades pourraient aussi nous conduire à prendre des photographies. |
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Mathieu |
La
photographie est insolente. |
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Gustav |
La
photographie est muette. |
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D. |
Avec ou sans
photographie, cela
devrait bien être possible, de raconter quelque chose. |
9 |
Mathieu |
Nous n'avons
rien à
raconter. Nous servons seulement à marquer
comme le temps passe en revenant toujours, pour
savoir, pour comprendre, pour évidemment comprendre que cela ne
sert à rien. |
|
Gustav |
Parfois, sur
un banc, nous relevons un
détail oublié, un
quadrillage. Du banc, du quadrillage, du temps qui passe en
revenant
toujours, je
n'en garde que la couleur floue. |
|
Noëmie |
Il n'y a pas que
le temps,
il y a aussi l'espace, tout l'espace, tout cet espace et toutes les
promenades
qui permettent que je
pense
la montagne avec la vallée. |
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D. |
Vous
pensez au temps, mais
pourtant, il n'y a plus aucune nostalgie. |
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Gustav |
Le temps,
l'espace, la nostalgie... Je
confonds peut-être. |
10 |
Mathieu |
Tu confonds
certainement
le temps et la nostalgie et c'est pour cela que tu n'as plus de
souvenirs. |
|
Gustav |
Le souvenir et
la mémoire
même, cela
demeure à trouver et avant cela demeure à chercher puis à
construire. |
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Noëmie |
Mais il n'y a
pourtant aucune
nécessité aux choses. Il n'y a non plus aucune nécessité
aux souvenirs. |
|
D. |
Alors
il y a la possibilité, encore, de l'imagination. Il
est permis par exemple d'imaginer
un cheval ailé ou le
ciel toujours rose. La vie devient alors comme
une comptine. |
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Gustav |
Je ne sais rien
imaginer.
Je reste là assis avec l'espoir
que la fatigue s'estompe, bouge un peu de sa place douce. Je lis
quelques
phrases et je ne sais
plus
bien pour qui elles sont écrites. Je regarde, dans le paysage, les
tours un peu penchées par la perspective. Elles ne
me disent rien. |
11 |
Mathieu |
Je regarde
passer un avion. Avion
vole. Il vole vers
plus de vide, vers encore plus de vide, encore, rapidement. |
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Noëmie |
Depuis que nous
sommes ici, la
lumière orange de Paris anesthésie. nos phrases et s'oppose
à toute construction de souvenirs. Nous sommes à Paris, donc
nous ne nous souvenons de rien. C'est
ici que se cache un sophisme. |
|
D. |
Je
crois que rien ne m'a arrêté jusqu'ici dans la construction
de phrases et dans la construction de souvenirs. C'est pour moi une
obsession. |
|
Gustav |
Il
n'y a pas d'obsession. Il n'y a pas d'obsession dans l'art.
Parfois,
seulement, l'odeur
des galeries, obsédante, obsède. |
12 |
D. |
Nous pourrions
voyager de
lieux en lieux pour voir de l'art. |
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Gustav |
Je
ne suis pas certain que j'imagine en ces voyages autre chose qu'un
tourisme
un peu moins ennuyeux que le tourisme. Est-ce que je pourrais en
faire
des souvenirs ? Est-ce que l'on fabrique des souvenirs en regardant de
l'art ? Regarder de l'art contemporain, c'est un peu regarder
en arrière en regardant en avant. Nous allons voyager puis je
vais oublier. |
|
Noëmie |
Quand je regarde
de l'art,
c'est ma pensée qui le fait. Non
que ce soit ma pensée qui le fasse, c'est-à-dire qu'elle
impose à aucune chose aucune nécessité. |
|
Mathieu |
Une exposition
est souvent comme
une fête crispée. Je vois des gens que je connais. J'échange
des mots drôles contre d'autres mots drôles avec la sincérité
molle de l'été. Puis je
suis au désespoir avec le sentiment de ne pas être là
où il faudrait que je sois. |
|
D. |
Nous pourrions
tenter. |
|
Gustav |
Je
ne tente rien, je suis donné. |
13 |
Mathieu |
Alors
nous pourrions visiter toutes les églises de Paris, et les temples
aussi, à la recherche d'un
être souverainement parfait. |
|
Noëmie |
C'est
donner encore une
valeur
aux systèmes périssants. |
|
Gustav |
Alors
nous errerons sans but, au long de promenades près de platanes
écorchés. Le trajet de nos promenades, dessiné
sur un plan, fera comme
un quartier. |
|
Mathieu |
Il
fait encore beau mais je
porte déjà l'inquiétude
d'une saison trop froide. Ce sera l'hiver, il se passera peut-être
quelque chose pendant l'hiver. |
|
D. |
Des
mois déjà, il ne se passe rien. Il se passe sans doute
quelque chose mais on
dirait
qu'il ne se passe rien. |
|
Gustav |
Qu'est-ce
qui se passe ? |
|
D. |
Quand
je te le dirai, tu
te moqueras de moi. |
14 |
Gustav |
Il
ne sera pas nécessaire de me donner le détail de la
narration des causes et des circonstances. De toute façon, mon
esprit est vide. Je suis dans la
solitude du bleu. |
|
Mathieu |
Je
sais, quant à moi, ce qui se passe. La
vie est ce mystère terrible. |
|
Noëmie |
Rien
n'indique vraiment cela. Juste
à ce moment, rien
n'indique vraiment cela. |
|
D. |
Nous
sommes dans la
solitude du bleu de l'écriture. Ce n'est pas grave. Il
y aura bien toujours quelques lignes. |
|
Mathieu |
Nous
pouvons constater, sans en faire un mystère, que la
nature est absente du Sentier. |
15 |
Gustav |
Nous pourrions oublier
un temps les itinéraires secrets. je n'ai pas
envie de faire ce qui est attendu. Je
voulais faire le touriste. Seulement. |
|
Mathieu |
Il ne fait déjà
plus chaud. Quand
il
ne fait plus chaud, je sais que c'est déjà l'hiver. J'ai
déjà dit cela, je crois. |
|
Noëmie |
Je ne sais pas.
Je n'écoutais
pas. Je ne peux
cependant
jouer l'indifférence. J'imagine aussi nos promenades en hiver.
Nous sommes trois. Il
ne
m'est pas nécessaire que j'imagine jamais aucun triangle. |
|
D. |
Je
sais que vous aimeriez que je vous trouve un
mobile. |
|
Gustav |
Ce n'est pas la
peine. Je
ne veux plus marcher encore. |
16 |
D. |
Cette
impossibilité est prévue. Ton absence est prévue
jusqu'à ton éclipse
totale. |
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Gustav |
Je
ne veux rien accepter, même une éclipse, même une
éclipse totale. |
|
Noëmie |
Mais tu peux
accepter les
rêves, le sommeil. |
|
Gustav |
Je ne me
souviens pas de
me rêves. Parfois un peu mais la
mémoire est floue. |
|
Mathieu |
Tu devrais
essayer de mieux
te souvenir. Dans les rêves, il
y a un monde infini qui cause. |
|
D. |
C'est
le tournant de l'été. Je
ne sais pas si nous aurons terminé tout ce que nous voulions faire. |
17 |
Mathieu |
On ne termine
jamais rien.
Nous ne sommes jamais notre propre fin. |
|
Gustav |
Tu
fais comme si tout cela était facile. |
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D. |
Nous pourrions
aller sur
les Champs-Élysées, jouer
avec les touristes. Regarder les touristes comme des hordes. J'aime ce
jeu. Les
hordes de touristes guérilleros m'attaquent sans cesse de leurs
phrases toutes faites. |
|
Mathieu |
Les
Champs Élysées rêvent de Paris et l'odeur du rêve
des touristes me fait tourner la tête, un peu écoeurant, mélange
de chocolat et de désir inavoué. |
|
Gustav |
On
pourrait opposer à cela la
solitude. Et
si l'on regarde bien, et si l'on regarde mieux, l'oubli
fait dans nos coeurs concurrence à l'oubli. |
|
Noëmie |
J'ai
bien des raisons de reconnaître que cette idée n'est pas quelque
chose de fictif. Qu'est-ce cependant que l'oubli ? |
|
Gustav |
C'est
un horoscope. |
18 |
Mathieu |
On
ne fait jamais plusieurs horoscopes en même temps. Nous sommes
quatre et nous sommes liés. |
|
Noëmie |
Nous avons
voyagé.
Nous sommes en vacances du voyage mais les vacances sont terminées.
Nous les retrouverons dans le
sommeil discret du soir. Nous
étions en vacances pour très peu de temps. |
|
D. |
Les vacances,
nous concernant, je
sens combien c'est absurde. |
|
Gustav |
Je me sens
parfois en vacances
dans le
sommeil discret du soir. Hier, dans le bois de Boulogne, une
cigarette fumait encore, avec un peu de rouge à lèvre abandonné.
Cette scène brève était comme un paysage de vacances.
Il y a beaucoup
d'autres
choses. |
|
Mathieu |
Les vacances,
c'est ce que je
ne peux pas oublier. Les gens n'oublient pas leurs vacances. Le
reste
du temps est dans leur
mémoire,
dans leur oubli. |
19 |
Gustav |
Pourtant, un
soir, on
voyait à peine le ciel. Je ne sais plus pourquoi. Alors,
de ce soir-là, et de cette journée-là, il
ne reste rien que de très ténu. |
|
Mathieu |
On
en revient toujours là, juste
pour dire après, que rien n'est plus possible. |
|
Gustav |
C'est possible
puisque c'est ma
vie. Je n'ai donc
rien
inventé. |
|
Noëmie |
Je me souviens,
un jour
moi aussi, je
n'entendais plus le désir de rien. |
|
D. |
Vous êtes
pourtant
des personnages. Vous n'êtes pas les avatars
d'un jeu vidéo. Vous avez en conséquence accès au
désir. |
20 |
Gustav |
Je crois un jour
avoir eu
accès au désir. Ensuite,
tout est devenu autre chose. |
|
Mathieu |
Moi aussi, j'ai
su, un temps, un temps donné, un temps encore donné, par
le passé. |
|
Noëmie |
Sans
doute, parmi les perceptions de cette sorte, certaines étaient
bien réelles. Je me souviens, sans
pouvoir bien savoir ce qu'il en est. |
|
Mathieu |
C'est
cette vieille rêverie qui rend vieux. |
|
Gustav |
Le désir est
comme
une photo de vacances. Les
promeneurs jouent à l'été. La
photo pourrait bien s'écrouler sur elle-même. |
|
D. |
Comme vous
voulez... Je
me mets en vacance, en plus grande vacance. |
21 |
Mathieu |
Je croyais que
tu n'aimais
pas les vacances. |
|
D. |
C'est vrai. A
chaque fois, c'est
mon coeur qui se demande ce qu'il fait là. Je n'y trouve rien
sinon quelques
idées pour ici et là une image, appauvrie. |
|
Gustav |
Il y a parfois
aussi les
paysages et la
perspective mise en perspective. |
|
Noëmie |
On regarde le
paysage. c'est
un paysage inconnu et soudain, on
ne peut plus y accorder moins d'importance. qu'au plus cher
des paysages que l'on connaît depuis si longtemps. |
|
D. |
À
quoi bon les paysages quand il n'y a jamais personne,
à aucun voyage, à aucune gare. Partir en vacances devient
une Injonction
paradoxale. |
|
Gustav |
Injonction
paradoxale : ce
sont des mots révolutionnaires. |
|
D. |
Alors, il
faudrait une autre révolution. |
22 |
Noëmie |
Je pourrais sans
doute faire
la révolution si
les images des choses sensibles n'assiégeaient de toutes parts ma
pensée. |
|
Mathieu |
Nous
devons bien tromper l'ennui. |
|
D. |
Voyager permet
de prendre
du recul. La
littérature peut alors commenter la géographie. Il
n'est pas besoin d'aller loin pour être en recul. |
|
Gustav |
Je
retourne à reculons dans les rues de la rive droite. L'absence
de soleil sur la peau me désole. Rien ne fait signe. |
|
Mathieu |
Tu
fais signe. |
|
Gustav |
Éparpillant
l'énergie, je donne un signe effacé déjà. |
23 |
Mathieu |
Pourtant,
je n'ai pas rêvé. Tu existes bien et par là-même,
tu fais signe. Par ce signe, tu m'apprends. |
|
Gustav |
Nous
ne sommes pas là pour apprendre. Nous ne sommes même pas là
pour exister. |
|
Mathieu |
Je
ne dois pas m'inquiéter. Nous avons placé autour de ton
existence tout
un appareillage textuel. |
|
Noëmie |
Qu'y
a-t-il en effet de plus manifeste par soi-même que ceci ? Ces
mots, ces phrases, nous. |
|
D. |
Nous prenons du
recul. Nous
ne prenons pas de distance. Nous ne prenons pas de distance avec toi.
Car
prendre du recul n'est pas nécessairement prendre de la distance. |
|
Gustav |
Je m'en moque.
je sais seulement
que la
fraîcheur
du bois dépasse les odeurs de la ville proche. Il me reste à détourner
légèrement le regard. |
24 |
Mathieu |
Je sais que tu
aimes marcher
dans les villes, tardant
le soir jusqu'à tomber. |
|
Gustav |
Je marche car nous
sommes juste immobilisés, immobilisés dans une impossibilité
qui dure. Pourquoi
avoir perdu tant de temps ? |
|
D. |
Nous allons
partir dans
une semaine à Ankara en voiture. Le voyage reprend. |
|
Gustav |
Je
ne comprends pas cet acharnement. Cette
convocation est un trouble de l'existence. Sommes-nous certains de la
direction du voyage ? |
|
D. |
Oui, nous sommes
certains
de tout cela. Le voyage nous permet le recours
à la poésie, au sentiment poétique, parfois. |
|
Noëmie |
Je doutais moi
aussi de
ce voyage, de sa pertinence, de son effet et je doutais aussi de la
destination. Pourtant,
à présent, non seulement j'en suis certaine,
mais en outre je remarque aussi que la certitude de toutes les autres
choses
en dépend. |
25 |
Gustav |
Cela fait
presque un demi
saros que nous nous préparons à exister. Nous ne pouvons
pas encore prédire notre éclipse. Et il faut se
maintenir dans la fiction d'une fiction fictive qui ne commence
pas.Nous
sommes des personnages à mourir. |
|
Noëmie |
Je
ne peux pas ne pas croire que c'est vrai. |
|
Mathieu |
Qu'est-ce qu'un
saros ? |
|
Gustav |
C'est une période
de 6585 jours (18 ans et 10 ou 11 jours). |
|
Mathieu |
C'est assez
court. C'est
bien assez long aussi. J'ai
décidé de ne plus énerver ma vie à passer le
temps à courir, à tirer les cornes du temps. |
|
D. |
Je vous ai
cherché
tout le dimanche passé. Il
n'y avait personne. Le
dimanche est nuit entière. |
|
Mathieu |
Nous étions là,
pourtant à dire
bêtement la vérité bête, comme
l'annonçait Péguy. |
26 |
Gustav |
De cette vérité
bête, je
ne regrette rien. Je regarde là-bas, je regarde un peu plus
loin et il
y a le ciel et le sentiment envahi qu'il n'y a rien à faire. Je
n'ai plus de promenade à faire dans Paris. |
|
Mathieu |
Je
peux considérer alors face à face la certitude absolue de
ma mort à venir et n'en éprouver ni peine ni angoisse. |
|
Noëmie |
Respect.
Je pense à ma mort, aussi. Il
peut toutefois facilement arriver que je doute de sa vérité. |
|
D. |
Je ne sais que
vous dire. Il
n'y a rien que vous vouliez vraiment faire. |
|
Gustav |
Le petit prince
demandait
qu'on lui dessines un mouton. Et toi, qu'est-ce que tu
me dessines sinon la certitude d'une fin infinie. |
27 |
D. |
Je te dessine ce
que je crois percevoir avec la plus grande évidence possible. |
|
Mathieu |
C'est exactement ce
que je veux faire plus tard. |
|
Gustav |
Je
passe tout le jour à me souvenir de tous les jours. Je
ne sais rien de ce que tu pourrais dire de cela. |
|
Noëmie |
Je pourrais dire
quelque
chose. C'est, nécessairement,
le même monde. |
|
Gustav |
Presque. Déjà
vu, plusieurs fois. |
|
D. |
Il
faudra pourtant bien revenir au texte. |
28 |
Mathieu |
Ce
n'est pas ta responsabilité. Ce n'est pas ta seule responsabilité.
Notre histoire n'est pas
encore révélée. |
|
D. |
C'est
une maquette. Que
retiendra-t-on de tout cela ? |
|
Noëmie |
On retiendra nos
voix. Car
c'est la voix qui s'étend, qui ponctue qui est là et à
laquelle il convient de prêter toute l'attention. J'ai
de cela une vraie et certaine science, et non seulement de cela. |
|
Mathieu |
Mais ce n'est
pas un livre.
Cela ne fait pas un livre. |
|
D. |
Les
livres ne penchent pas encore de mon côté. |
|
Gustav |
Je ne sais pas
de quoi vous
parlez. Je veux me
reposer
de force. |
29 |
Mathieu |
Tu ne peux pas
ignorer cependant
qu'en ce moment, juste en ce moment, exactement, en dehors d'ici, en
dehors
de nous, ailleurs, dans un autre temps qui serait le temps d'autres
histoires,
qui serait le temps des gens, des autres gens, un cyclone porte ton
nom.
Gustav. Comment
dis-tu que tu t'appelles maintenant ? |
|
Gustav |
Je pourrais
aussi porter
le nom d'une
saison dont on s'amuserait. Nous regarderions passer la saison
entière
d'une fenêtre qui
donne sur le ciel en pente. Mais je
ne suis pas certain d'avoir aucune patience, la patience nécessaire
pour concevoir mon rôle. Je suis peut-être seulement un
jouet. |
|
Mathieu |
Qu'est-ce que
l'on dirait
alors de toi ? |
|
Gustav |
Que
j'ai été fait tel que je me trompe souvent. |
|
Noëmie |
Tu n'es pas seul
à
te tromper. Nous sommes stigmatisés
par les mêmes injonctions. |
|
D. |
Un cyclone,
juste un cyclone
et tu
ne dis plus rien de l'amour. |
30 |
Gustav |
Je ne dis plus
rien de l'amour. Encore
une fois les mots me manquent. Le mot amour, sans doute. Avec
d'autres après lui, je ne sais rien. |
|
Mathieu |
Nous allons
partir en voyage
et nous retrouverons peut-être des mots. |
|
Gustav |
Nous irons à Lisbonne
? |
|
Noëmie |
Nous n'irons pas
à Lisbonne.
Nous irons le long d'itinéraires
calculés le long de cartes pour toujours imaginaires. |
|
Gustav |
Je crois que
j'aime les
voyages qui vont et viennent, qui dansent un peu. |
|
D. |
Pendant les
voyages, il
est possible de se prendre au jeu et de sortir de l'imagination du
passé. J'imagine
d'autres temps. Tu pourras oublier tes symptomes. |
|
Mathieu |
Il
y a des êtres qui agissent en symptômes. |
31 |
Gustav |
Ce
n'est pas important. L'errance
revient demain. |
|
Mathieu |
Ce
sont de nouvelles flèches, d'autres signes. |
|
Noëmie |
Le
paysage, le point de vue, le panorama. L'histoire, la grande histoire,
la petite histoire. |
|
D. |
Vous
êtes toujours ainsi avant le départ en voyage. La
soirée se termine dans quelques balbutiements. Et si je vous
demande si cela va durer longtemps encore ? |
|
Gustav |
Je
me demande si cela va durer encore. Je vais partir avec vous,
sachant
désormais qu'il n'y
a donc rien d'autre que cet autre dérobé. |
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Noëmie |
Moi je
réponds, que je n'avais eu d'aucune de ces choses une perception
claire et distincte. |
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D. |
Mais
il y a encore cette soirée, la soirée de maintenant et vous
vous souviendrez qu'il
faisait assez chaud pour pouvoir rester en chemise et laisser le vent
se
mettre sur la peau. |
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vers
le mois
de septembre 2008 |