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Je
ne me souviens pas. Je
ne sais pas combien de fois j'ai pu prononcer cette
phrase depuis mon éclipse. L'absence entraîne
l'absence, comme
le manque apporte le manque et l'oubli produit l'oubli, et s'étend,
et s'étale. Il n'y
a pas d'immunité possible à l'oubli,
à l'absence et au manque. La mémoire est un
palliatif incertain
et peu fiable. Elle fait semblant d'engranger. Elle promet de faire
fructifier
et d'un coup, au moment même où le souvenir pourrait être
de quelque utilité, n'importe quel petit souvenir comme le nom d'une
place, d'une rue, d'un auteur, d'un objet usuel mais peu commun, la mémoire
lâche, se dérobe, rend un
signe effacé déjà et revient quand on n'a plus
besoin d'elle. Ne plus avoir recours à la mémoire, même
si ce n'est pas volontaire, est une façon commode de mépriser
cet outil trop imparfait. |