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Comment
vais-je voyager si je n'ai plus à constituer de souvenirs ?
Que
devrai-je regarder d'abord ? Si je regarde les
paysages, je ne saurai
quoi
en faire. Sans le
souvenir, quel usage faire de collines sous un soleil
jauni ? À qui donner ou rendre un matin bleuté sur un
fleuve
d'Europe et ce pont
séculaire qui salue poliment ? Si je regarde
les gens, je regarderai les gens mais sans intention à leur égard,
ils disparaîtront dans le paysage. Je devrai donc m'appliquer seulement
à mesurer le temps qui passe, sortir
de l'imagination de l'avenir et le voyage deviendra l'allégorie
de ce temps du voyage. Je
marcherai dans les rues de la mémoire à venir. Sans souvenirs,
je serai sans nostalgie, sans douleur du retour. Il n'y a pas de retour
dans l'oubli ni de retour vers l'oubli. Je retrouverai peut-être
alors des
mots. |