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Peut-être
devrais-je dire : « même si je ne reconnais rien encore de
Venise ».
Que
s'est-il passé à Venise, qui semble être le point occulté
et occulte de mes souvenirs ?
Il
ne s'est rien passé sans doute, si ce n'est la capacité de
l'homme à construire des fictions jusque sur des lagunes imprécises
et fragiles. Il ne s'est rien passé sans doute qu'une collision
brutale dans
les ruelles enlacées de Venise entre la fiction, toutes les
fictions dans lesquelles j'étais apparu au théâtre
et au cinéma, et cette ville qui sert au décor du monde
depuis
des siècles et qui est pourtant bien une ville.
Il
suffit d'un décor pour
que naisse une histoire. Je
me rappelle une histoire comme celle-ci mais je suis bien sûr
incapable de savoir si c'est un film, une pièce, un roman ou un
épisode de ce que j'appelle même plus « ma vie ». C'est
encore une histoire à éclipse. C'est une histoire qui
n'a plus
assez de mémoire virtuelle, plus assez de mémoire vive.
Mais
je me souviens que toi, tu me racontais d'autres histoires. Tu
m'avais raconté ces jours où les pierres pleuraient, les
cris, la peur, les hommes blessés entassés dans les hangars
noirs et les coups de feu lâchés au hasard. |