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Passer
tout ce temps avec un mutilé du souvenir n'a pas été
sans conséquence sur mes relations avec mes propres souvenirs. Si
j'allais chez un ami, dont j'admire la culture et l'intelligence, et
que
je n'y trouvais pas de livres, je ne pourrais que m'interroger, de
retour
chez moi, sur ces livres entassés dont certains n'ont pas été
ouverts depuis l'adolescence ou les études à l'Université. Pourtant, le flot de
livres ne tarit pas et l'impossibilité d'en
jeter est entière. C'est
ainsi que j'ai décidé d'oublier. J'ai décidé d'oublier des
souvenirs encombrants, des souvenirs
gênants, des souvenirs inutiles, des souvenirs dont je ne me souvenais
déjà presque pas. Mais je ne connaissais pas la méthode
de l'oubli. Je pourrais m'en remettre à la société
qui nous fournit de la mémoire lyophilisée, formatée
mais je
suis effaré par les essais de mémoire de cette société. |