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Mathieu
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Je
remonte doucement vers le nord et je m'arrête là où
personne ne s'arrête sans une raison précise et déterminée. Quelle que soit la
ville où nous nous arrêtons, à Venise ou ailleurs,
j'envie les passants qui semblent ne voyager jamais. J'envie leurs vies
sédentaires qui paraissent en conséquence sans souci. Je les envie avec
la honte de celui qui envie. La Rochefoucauld a encore une fois raison,
qui affirme : On fait souvent vanité
des passions même les plus criminelles ; mais l'envie est une passion
timide et honteuse que l'on n'ose jamais avouer. Et je marche, sans
vrai souci, cependant, sachant qu'un soir le soir ne viendra pas
comme viennent les soirs. La vie est fragile comme les sensations sont
fragiles. Un soir, dans une ville banale, je comprendrai alors que je n'ai réfléchi que
sur la déception et que ce
texte est construit sur
la déception.
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