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Noëmie
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Je vais quitter bientôt l'Italie et pourtant je me dis que la vie en Italie serait plus douce. Je rêve. Je resterais à Anzio, définitivement. Comme un ragazzo, j'irais tous les soir dans un café perché, bruyant et personne au monde ne pourrait savoir où je suis ni qui je suis. Je pourrais alors attendre l'imprévu, regardant la salle et sondant avec
habileté le désespoir des clients, prédisant sans crainte de me tromper la disparition programmée des
personnages.
Mais je vais quitter l'Italie et revenir, toujours, en Italie, selon le
même itinéraire et je ne saurai rien de l'absence. C'est par orgueil que j'ai choisi une forme qui ne s'épuise pas et dont
rien ne vient programmer la fin. Il suffit d'un peu moins de sommeil, juste moins que la veille pour que
le monde semble plus calme, calmé, douché, transi
et que s'apaise aussi la douleur de ne pas être seule, de ne pas être
toujours le personnage principal de l'histoire. C'est l'orgueil qui me
fait tenir et c'est aussi par orgueil que je supporte les
intermittences des autres personnages. La Rochefoucauld a raison
d'affirmer que l'orgueil a plus de part
que la bonté aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent
des fautes ; et nous ne les reprenons pas tant pour les en corriger que
pour leur persuader que nous en sommes exempts.
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