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Mathieu |
J'ai
compris enfin ce qu'était le sentiment amoureux. Il s'agit de l'annonce
du ressentiment à venir comme si l'on n'aimait que pour mieux, ensuite,
plus tard, dans longtemps ou dans pas si longtemps, détester l'autre et
plus que le détester, lui en vouloir. Pour autant, l'inconstance
fondamentale de l'être fait que l'on oublie parfois cela et que l'on
n'en veut pas à l'autre, que l'on ne lui en veut plus, par lassitude ou
par inadvertance. C'est ainsi, nous dit La Rochefoucauld, que les
hommes ne sont pas seulement sujets à perdre le souvenir des bienfaits
et des injures ; ils haïssent même ceux qui les ont obligés, et cessent
de haïr ceux qui leur ont fait des outrages. L'application à
récompenser le bien, et à se venger du mal, leur paraît une servitude à
laquelle ils ont peine de se soumettre. Et l'on pourrait
ajouter, dans une perspective lacanienne : et ils aiment-même ceux
qu'ils ont aimé et ils
ne le font cependant jamais par discrétion ou par inattention.
Pour autant, je
n'ai pas quant à moi ce problème car j'oublie et je ne me souviens que
de l'absence et c'est pourquoi j'ai été, dès lors, un
amoureux déçu, pétri de manque et de nostalgie de cet amour au
point même où l'autre, dans ce mouvement des sentiments, en est gommé,
effacé, annihilé. |