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Daniel |
Je
suis un pauvre écrivain condamné à ne jamais changer de genre
d'écriture. Je ne peux pas tenter l'autobiographie, car, je crois que je n'ai
jamais eu de souvenirs d'enfance et je ne sais plus si
j'étais aussi absent à moi-même que je le suis aujourd'hui. Je ne
me rappelle aucune sensation et peu
importe les sens et les organes, parce
que j'ai vu quelquefois des corps qui étaient sans aucun rêve.
Je ne peux pas raconter d'histoire d'amour, cette histoire d'amour,
car, j'ai juré que je
ne me rappellerai rien, ni ta bouche, ni tes yeux et je ne me
rappellerai pas ton sourire derrière la porte et la porte qui s'ouvre
et ton sourire alors, en face. Je ne veux me souvenir de rien,
suivant en cela La Rochefoucauld qui affirmait : si on juge de l'amour
par la plupart de ses effets, il ressemble plus a la haine qu'à l'amitié.
Je peux seulement tenter la chronique au long cours de vacances rurales
et la nuit quand la
maison joue
encore de ses bois et que les ferrures font semblant de faire peur.
Et puis le jour
doux et sucré
s'est déroulé sans que l'on sache bien ce qui se passe, ce
qui se joue, dans les promenades sur les chemins. Mais cela
m'ennuie.
Non, ce
que je préfère dans l'écriture, c'est l'élaboration patiente d'un
personnage. Mais très vite les personnages s'éloignent du projet
d'écriture et ne cessent de se plaindre d'être enfermés dans le texte. Comment faire pour que
les
personnages cessent de se plaindre d'être des personnages ?
On nous dira
que l'écriture ne marche pas. C'est exactement cela... comme il a été dit
ci-dessus.
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