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Daniel
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Mes
personnages sont mes amis et il m'arrive même de penser que ce sont
mes
seuls amis. Il m'arrive de m'attacher avec plus de précision à un
personnage et ce, nécessairement, au détriment des autres.
Je fais alors disparaître le personnage aimé,
je l'éclipse et j'apprends à aimer ceux qui n'étaient pas aimés.
J'invente pour ceux qui jusqu'alors avaient été négligés de nouvelles
situations. Ils deviennent mes nouveaux meilleurs amis. Mais je sais
qu'en vérité ces situations se valent toutes. Ces nouveaux amis
demeurent des personnages... Ce
que les hommes ont nommé amitié n'est qu'une société, qu'un ménagement
réciproque d'intérêts, et qu'un échange de bons offices ; ce n'est
enfin qu'un commerce où l'amour-propre se propose toujours quelque
chose à gagner rappelle La Rochefoucauld. Ce que l'auteur veut
gagner, par cette amitié, c'est le texte. Puis le personnage préféré
revient. Pourquoi
revenir puisque il a un jour
disparu ? Je n'ai plus d'autres solutions que de faire
disparaître tous les personnages. Je regarde le paysage et puis il ne
s'agit pas
de voir. Je
m'allonge
sur les bancs, prenant des poses de poète esseulé, je m'endors.
Je me demande
pourquoi je n'ai pas pensé à la nuit, à la rue la nuit. |