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Mathieu |
Dans
le soir, tout constitué de froid je regarde les images que j'ai
prises tout à l'heure de cette œuvre de béton immense qui recouvre les
ruines siciliennes. Je
me souviendrai de Gibellina. Mais je sais aussi que je m'en
souviendrai presque par
inadvertance, que ce sera un souvenir qui s'effrite et que
l'on ne retient pas car je ne tiens pas plus que cela à ce souvenir
et il suffit d'ailleurs que je veuille
me souvenir pour que rien ne tienne bien longtemps. Ainsi, le souvenir est
toujours un après
coup d'un mouvement de pensée qui procède d'ailleurs, d'autre chose,
d'un autre désir. Je me souviens d'un paysage mais je me souviens de
toi. Et si je ne te vois pas dans le paysage, c'est moi qui ne
comprends pas. La relation entre le paysage et toi est celle qui
existe, ou qui existerait entre le signifiant et
le
signifié, c'est à dire l'écart qui provoque toutes les formes
d'aliénation
sociales et personnelles. Alors mon oubli est mon principal défaut.
Je le confesse. Pour autant, comme l'écrit La Rochefoucauld, l'envie de parler de
nous, et de faire voir nos défauts du côté que nous voulons bien les
montrer, fait une grande partie de notre sincérité.
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