Diégèse | |||||||||
vendredi premier août 2014 | 2014 | ||||||||
ce travail est commencé depuis 5327 jours (7 x 761 jours) | et son auteur est en vie depuis 19780 jours (22 x 5 x 23 x 43 jours) | ||||||||
ce qui représente 26,9312% de la vie de l'auteur | sept cent soixante-et-une semaines d'écriture | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
L'heure
pressait. Les singuliers défenseurs de Plassans qui se
cachaient pour mieux défendre la ville, se hâtèrent chacun d'aller
s'enfouir au fond de quelque trou. Resté seul avec sa femme, Pierre lui
recommanda de ne pas commettre la faute de se barricader, et de
répondre, si l'on venait la questionner, qu'il était parti pour un
petit voyage. Et comme elle faisait la niaise, feignant quelque terreur
et lui demandant ce que tout cela allait devenir, il lui répondit
brusquement : « Ça ne te regarde pas. Laisse-moi conduire seul nos affaires. Elles n'en iront que mieux. » Quelques minutes après, il filait rapidement le long de la rue de la Banne. Arrivé au cours Sauvaire, il vit sortir du vieux quartier une bande d'ouvriers armés qui chantaient la Marseillaise. « Fichtre ! pensa-t-il, il était temps. Voilà la ville qui s'insurge, maintenant. » Il hâta sa marche, qu'il dirigea vers la porte de Rome. Là, il eut des sueurs froides, pendant les lenteurs que le gardien mit à lui ouvrir cette porte. Dès ses premiers pas sur la route, il aperçut, au clair de lune, à l'autre bout du faubourg, la colonne des insurgés, dont les fusils jetaient de petites flammes blanches. Ce fut en courant qu'il s'engagea dans l'impasse Saint-Mittre et qu'il arriva chez sa mère, où il n'était pas allé depuis de longues années. |
Émile Zola 1870
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Alors qu'il s'engageait dans l'impasse revint à sa mémoire, comme malgré lui, son enfance esseulée. Davantage que sa mémoire-même et que son esprit, ce furent ses sens qui furent touchés. L'odeur âcre du salpêtre des murs qui entouraient l'ancien cimetière le cingla et déclencha quelques images colorées qui émergèrent du milieu de sa grande inquiétude. Il vit les yeux de sa mère, qui alors déjà lui semblait si lointaine. Il entendit des cris d'enfants sans savoir à qui les attribuer. Alors même qu'il n'y avait rien d'insouciant dans son enfance ballotée, ce furent des impressions d'insouciance qui le submergèrent, comme si le corps, indépendamment de tout, se souvenait l'âge venu de sa jeunesse corporelle, de la fluidité de son sang et de ses humeurs. Tout lui sembla alors plus léger de ce passé qui surgissait. et tout en conséquence lui sembla plus lourd dans ce présent qui se traînait. Soudain, et malgré les assurances de son fils Eugène, il douta de l'issue de tout cela. Il imagina Félicité emprisonnée et lui, caché chez sa mère jusqu'à sa mort, ou bien encore proscrit, la République triomphante. Toutes ces pensées, qui faisaient poindre chez cet homme alourdi une émotion inusitée, se précipitèrent en masse, comme un tas de feuilles mortes est soudain transporté en bloc par le vent et se stabilise ensuite un peu plus loin, semblable au tas de feuilles qu'il avait été et pourtant à jamais différent. |
Daniel Diégèse 2014
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premier août | |||||||||
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