Diégèse | |||||||||
mercredi 20 août 2014 | 2014 | ||||||||
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La Fortune des Rougon2 | |||||||||
Alors, l'oncle et
le neveu se lançaient dans la haute politique. Fine
et Gervaise, en
les voyant aux prises, allaient se coucher doucement,
sans qu'ils s'en aperçussent. Jusqu'à minuit, les deux hommes restaient
ainsi à commenter les nouvelles de Paris, à parler de la
lutte
prochaine et inévitable. Macquart déblatérait
amèrement contre les
hommes de son parti ; Silvère rêvait tout haut,
et pour lui seul, son
rêve de liberté idéale. Étranges entretiens, pendant lesquels l'oncle
se versait un nombre incalculable de petits verres, et dont le neveu
sortait gris d'enthousiasme. Antoine ne put cependant
jamais obtenir du
jeune républicain un calcul perfide,
un plan de guerre contre les
Rougon ; il
eut beau le pousser, il n'entendit sortir de sa bouche que
des appels à la justice éternelle, qui tôt ou tard punirait les
méchants. Le généreux enfant parlait bien avec fièvre de prendre les armes et de massacrer les ennemis de la République ; mais, dès que ces ennemis sortaient du rêve et se personnifiaient dans son oncle Pierre ou dans toute autre personne de sa connaissance, il comptait sur le ciel pour lui éviter l'horreur du sang versé. Il est à croire qu'il aurait même cessé de fréquenter Macquart, dont les fureurs jalouses lui causaient une sorte de malaise, s'il n'avait goûté la joie de parler librement chez lui de sa chère République. Toutefois, son oncle eut sur sa destinée une influence décisive ; il irrita ses nerfs par ses continuelles diatribes ; il acheva de lui faire souhaiter âprement la lutte armée, la conquête violente du bonheur universel. Comme Silvère atteignait sa seizième année, Macquart le fit initier à la société secrète des Montagnards, cette association puissante qui couvrait tout le Midi. Dès ce moment, le jeune républicain couva des yeux la carabine du contrebandier, qu'Adélaïde avait accrochée sur le manteau de la cheminée. Une nuit, pendant que sa grand-mère dormait, il la nettoya, la remit en état. Puis il la replaça à son clou et attendit. Et il se berçait dans ses rêveries d'illuminé, il bâtissait des épopées gigantesques, voyant en plein idéal des luttes homériques, des sortes de tournois chevaleresques, dont les défenseurs de la liberté sortaient vainqueurs, et acclamés par le monde entier. |
Émile Zola 1870
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La République
de Silvère était la République d'un enfant qui invente des
batailles dans un fossé où les herbes deviennent des
forêts, les cailloux des rochers et les fourmis des monstres qui
crachent du feu. Mais cette république, chevaleresque et généreuse
envers la veuve et l'orphelin, était aussi remplie d'amour et de
commisération. Dans le cœur des plus vieux républicains qui chantent en
cadence de vieux chants épris de liberté, il y a encore trace de ce
cœur d'enfant qui bat la chamade en pensant aux droits de l'humanité.
Quand les couplets de la Marseillaise résonnent le long du défilé, les
sillons que le sang impur de l'ennemi va abreuver, ce sont les sillons
des champs de bataille de la liberté contre la tyrannie, mais ce sont
aussi les sillons tracés à la pointe du bâton dans le fossé boueux en
face de la maison. Les enfants s'inventent des jeux et certains, une
fois devenus adultes, perpétuent ces jeux avec le même sérieux et la
même fougue que quand ils étaient enfants. Car, les jeux guerriers des
enfants n'ont rien de véritablement amusant, et l'on a vu des bandes de
garnements se précipiter les unes contre les autres pour se livrer des
batailles qui parfois peuvent mal tourner. Le jeu des enfants est ce
qu'il y a au monde de plus sérieux et il n'est pas bon d'en douter. À sa façon, Macquart poursuivait aussi ses jeux d'enfants, mais les siens étaient faits de coups bas, de traitrises et de plaintes feintes quand un adulte arrivait. Il était adulte comme il était enfant devant la masure de l'impasse Saint-Mittre ou dans l'enclos des Fouque quand il existait encore : fourbe et lâche. Il n'y avait que son père, avant sa mort, qui pouvait le ramener à la raison. En sa présence, c'était un autre enfant. Mais le père Macquart était rarement là et quand il l'était, il se souciait peu de l'éducation d'Antoine. Quelle éducation avait-il eu lui-même ? Le père Macquart ne parlait jamais de son enfance et parlait d'ailleurs peu de lui. Il était encore de cette époque où les êtres taisaient à ce point ce qui leur arrivait qu'ils finissaient par n'avoir pas assez de mots pour le raconter quand ils le devaient. Les campagnes napoléoniennes avaient changé cela. Les grognards, à leur retour, avaient dû raconter les pays traversés et leurs batailles. Les hommes sur leurs faits de guerre s'étaient alors faits bavards. |
Daniel Diégèse 2014
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20 août | |||||||||
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