Diégèse




jeudi 3 avril 2014



2014
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La Fortune des Rougon2




Depuis la mort de son père, un ouvrier tanneur qui lui avait laissé pour tout héritage la masure de l'impasse Saint-Mittre, on ne lui connaissait ni parents ni amis. La proximité des frontières, et le voisinage des forêts de la Seille avaient fait de ce paresseux et singulier garçon un contrebandier doublé d'un braconnier, un de ces êtres à figure louche dont les passants disent : « Je ne voudrais pas rencontrer cette tête-là, à minuit, au coin d'un bois. » Grand, terriblement barbu, la face maigre, Macquart était la terreur des bonnes femmes du faubourg ; elles l'accusaient de manger des petits enfants tout crus. À peine âgé de trente ans, il paraissait en avoir cinquante. Sous les broussailles de sa barbe et les mèches de ses cheveux, qui lui couvraient le visage, pareilles aux touffes de poils d'un caniche, on ne distinguait que le luisant de ses yeux bruns, le regard furtif et triste d'un homme aux instincts vagabonds, que le vin et une vie de paria ont rendu mauvais. Bien qu'on ne pût préciser aucun de ses crimes, il ne se commettait pas un vol, pas un assassinat dans le pays, sans que le premier soupçon se portât sur lui. Et c'était cet ogre, ce brigand, ce gueux de Macquart qu'Adélaïde avait choisi ! En vingt mois, elle eut deux enfants : un garçon, puis une fille. De mariage entre eux, il n'en fut pas un instant question. Jamais le faubourg n'avait vu une pareille audace dans l'inconduite. La stupéfaction fut si grande, l'idée que Macquart avait pu trouver une maîtresse jeune et riche renversa à tel point les croyances des commères, qu'elles furent presque douces pour Adélaïde.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
C'est que l'attirance des êtres pour les êtres parvient parfois, et contre toute attente, contre toute convenance-même, à briser les barrières qui sont faites par la société pour empêcher les êtres de se rencontrer. Rien d'autre que cette attraction universelle et cependant étrange n'aurait pu expliquer la rencontre féconde de ces deux êtres-là. Leur relégation aux confins de la ville ne pouvait à elle-seule expliquer leur couple et la famille qu'ils allaient constituer. Même si le terme de famille n'était pas celui qui venait en premier lieu à l'esprit quand on les croisait à la proximité du Jas Meiffren. Quand ils étaient ensemble, ils ne changeaient en rien. Ils n'étaient pas de ces couples qui s'apprêtent pour sortir et qui montrent au monde une image apaisée. Ils étaient dans la vie comme ils étaient certainement dans leur intérieur et jusque dans leur chambre à coucher. Au premier abord, on les trouvait hagards et curieusement fagotés et parfois même dépenaillés. Mais à mieux y regarder, ils étaient négligés. Il n'y avait jamais aucune coquetterie chez eux, ni dans leurs vêtements, ni dans leur mise, ni dans leur allure. Il émanait ainsi de cette famille, qui avait tout de la meute animale, une impression de sauvagerie puissante qui les faisait craindre, mais qui, chez les commères du faubourg, suscitait une sorte de fascination. Au lavoir, à voix basse ou plus fort, comme pour être entendues, elles faisaient mine de s'étonner de la situation. Mais dans le creux de leur âme, certaines recueillaient de secrets et curieux désirs où Macquart était ce loup sauvage qui pouvait les engrosser.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










3 avril







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