Diégèse




vendredi 18 avril 2014



2014
ce travail est commencé depuis 5222 jours (2 x 7 x 373 jours) et son auteur est en vie depuis 19675 jours (52 x 787 jours)
ce qui représente 26,5413% de la vie de l'auteur sept cent quarante-six semaines d'écriture
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La Fortune des Rougon2




La lutte fut cruelle. Le jeune homme comprit qu'il devait avant tout frapper sa mère. Il exécuta pas à pas, avec une patience tenace, un plan dont il avait longtemps mûri chaque détail. Sa tactique fut de se dresser devant Adélaïde comme un reproche vivant ; non pas qu'il s'emportât ni qu'il lui adressât des paroles amères sur son inconduite ; mais il avait trouvé une certaine façon de la regarder, sans mot dire, qui la terrifiait. Lorsqu'elle reparaissait, après un court séjour au logis de Macquart, elle ne levait plus les yeux sur son fils qu'en frissonnant ; elle sentait ses regards, froids et aigus comme des lames d'acier, qui la poignardaient, longuement, sans pitié. L'attitude sévère et silencieuse de Pierre, de cet enfant d'un homme qu'elle avait si vite oublié, troublait étrangement son pauvre cerveau malade. Elle se disait que Rougon ressuscitait pour la punir de ses désordres. Toutes les semaines, maintenant, elle était prise d'une de ces attaques nerveuses qui la brisaient ; on la laissait se débattre ; quand elle revenait à elle, elle rattachait ses vêtements, elle se traînait, plus faible. Souvent, elle sanglotait, la nuit, se serrant la tête entre les mains, acceptant les blessures de Pierre comme les coups d'un dieu vengeur.
La Fortune des Rougon
Émile Zola
1870
Personne ne savait comment ce jeune homme mal dégrossi avait pu apprendre seul, et aussi rapidement, les pratiques d'une torture aussi sophistiquée. Aurait-il battu sa mère qu'un des hommes du faubourg aurait pu se laisser attendrir et venir au secours de la pauvre femme. L'aurait-il mise à la porte que la justice et la maréchaussée l'auraient rappelé à ses devoirs de fils légitime. Or, ne faisant rien de cela, mais exerçant sur elle un ascendant aussi violent qu'invisible, il ne courait aucun risque sinon celui que sa conscience, un jour pourrait lui faire courir. Cependant, la conscience de Pierre Rougon était tout entière attachée à sa fortune. Son montant valait-il qu'il en sacrifiât sa mère ? Rien n'est moins certain. Il le fit pourtant, porté en cela par l'indifférence de son entourage sinon la bienveillance coupable des bonnes gens qui voulaient voir en la dégradation de la santé d'Adélaïde une forme de punition divine. Pierre continuait donc, sans répit, certain de son fait comme peut l'être le chasseur qui va se saisir de sa proie. Avait-il parfois quelque tendresse filiale ? Rien n'est moins certain. Adélaïde ne s'était jamais vraiment occupé de lui. Elle ne l'avait jamais choyé ni consolé de ses malheurs d'enfant. Si bien qu'il serait difficile d'imaginer le simple petit élément de tendresse entre ces deux êtres.
Zola augmenté
Daniel Diégèse
2014










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